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[+2]    #101 04/01/2020 21h54

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File de discussion passionnante, je souhaiterais creuser un point :

Scipion8 a écrit :

les banques centrales continueront à maintenir des taux bas et à injecter de la liquidité : c’est leur mandat légal, et leurs munitions sont illimitées.

Je suppose que ce "mandat des 2%" est un point qui ne fait pas beaucoup débat, pour la raison que ce serait le bon rythme à viser, les expériences passées ayant montré que trop près de zéro on risque la déflation, et qu’à l’inverse une inflation trop haute peut devenir instable et hors de contrôle.

Peut-on cependant penser que ce mandat a des raisons de ne pas varier sur un temps très long ? Le rapprochement qui me vient à l’esprit c’est les limites physiques à la croissance (cf. le rapport "the limits to growth").
Si l’évolution démographique, si des limites aux matières premières facilement extractibles, si une diminution de l’énergie peu chère abondante concourent à plafonner la croissance économique, alors ce mandat ne deviendrait-il pas obsolète (et inatteignable malgré des munitions monétaires infinies) ?

Au final, la question que je me pose, c’est si les trois si que j’ai précédemment utilisés finissent par se concrétiser, qu’advient-il des actifs financiers et dans un tel contexte les marchés actions peuvent-ils tout de même croître ?

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[+1]    #102 05/01/2020 11h19

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Bonjour MetalFlakeGreen,

Il faut distinguer :

1) la définition du mandat de la BCE : le maintien de la stabilité des prix. C’est défini par le Traité sur le Fonctionnement de l’UE, dont la révision requiert l’unanimité des Etats Membres (autant dire qu’il est impossible à changer dans les circonstances politiques actuelles en Europe). Certains préfèreraient un mandat double comme celui la Fed (stabilité des prix + plein emploi), mais les études montrent que la fonction de réaction (la règle de Taylor) de la BCE et de la Fed sont à peu près comparables malgré cette différence de mandat, c’est-à-dire que de facto la BCE vise aussi à soutenir la croissance et l’emploi par sa politique monétaire.

Article 127(1) TFUE a écrit :

L’objectif principal du Système européen de banques centrales, ci-après dénommé «SEBC», est de maintenir la stabilité des prix. Sans préjudice de l’objectif de stabilité des prix, le SEBC apporte son soutien aux politiques économiques générales dans l’Union, en vue de contribuer à la réalisation des objectifs de l’Union, tels que définis à l’article 3 du traité sur l’Union européenne.

2) la définition quantitative de la cible d’inflation de la BCE : une croissance annuelle de l’Indice Harmonisé des Prix à la Consommation (HICP) inférieure à, mais proche de, 2%. Cette définition est du ressort du Conseil des Gouverneurs de la BCE. Aux origines de la zone euro, la cible d’inflation était définie comme une croissance annuelle du HICP "inférieure à 2%". Le Conseil des Gouverneurs a plus tard précisé "inférieure à, mais proche de, 2%". Ce n’est pas du tout pareil et cette précision vise à donner plus de transparence sur l’objectif de politique monétaire de la BCE et à ancrer les anticipations des agents économiques autour du niveau souhaité. Une autre raison de ce changement de définition était d’éloigner plus clairement la cible du "niveau d’alerte" (inflation trop basse), vers lequel il peut y avoir un risque déflationniste.

Mais il y a manifestement des interprétations diverses de cette cible de la BCE : en analysant de près les déclarations des membres du Conseil des Gouverneurs, on peut voir que certains (les Allemands, par exemple) sont assez à l’aise avec une inflation de 1%, alors que d’autres (les Italiens, par exemple) commenceront à s’alarmer si elle baisse en dessous de 1,5%. Evidemment, des considérations nationales peuvent influencer ces perceptions différentes.

Pour clarifier cela, on pourrait éventuellement définir la cible d’inflation comme un "segment", par exemple [1%-2%] ou [1,5%-2%]. On pourrait aussi "automatiser" la réponse de la banque centrale à des dépassements importants de la cible : par exemple le Gouverneur de la Bank of England doit s’expliquer par écrit au Gouvernement si l’inflation baisse en-dessous de 1% ou monte au-dessus de 3% (la cible de la BoE étant 2%).

Bank of England a écrit :

The Government sets us a 2% inflation target

To keep inflation low and stable, the Government sets us an inflation target of 2%. This helps everyone plan for the future.

If inflation is too high or it moves around a lot, it’s hard for businesses to set the right prices and for people to plan their spending.

But if inflation is too low, or negative, then some people may put off spending because they expect prices to fall. Although lower prices sounds like a good thing, if everybody reduced their spending then companies could fail and people might lose their jobs.

What happens if we don’t meet this target?

If we miss the inflation target by more than 1 percentage point either side of the target, we must tell the Government why.

So if the Consumer Prices Index (CPI) inflation rate is more than 3% or less than 1%, our Governor writes a letter to the Chancellor to explain why and they set out what we’ll do to get it back to 2%.

We publish the Inflation letters our Governor sends to the Chancellor.

Vous voyez que la définition de la cible d’inflation de la BoE est définie par le Gouvernement, alors qu’en zone euro c’est de la responsabilité de la banque centrale elle-même (le Conseil des Gouverneurs de la BCE). La BCE est probablement la banque centrale la plus puissante du monde, avec bien plus d’indépendance que la Fed, la BoJ ou la BoE. C’est un héritage de la tradition monétariste allemande, historiquement très méfiante des immixtions de l’Etat dans les affaires monétaires.

Le débat actuel en zone euro est sur le niveau de la cible d’inflation de la BCE. Certains (le clan allemand) considèrent que la cible d’inflation actuelle est trop haute et doit être abaissée (à 1,5% ?). Cela aurait pour effet de limiter les interventions répétées de la BCE (QE et taux négatifs, notamment) pour faire revenir les anticipations d’inflation autour de la cible de 2%. D’autres diront certainement que cela conduirait à retarder les mesures nécessaires pour contrer une menace déflationniste, donc à terme cela augmenterait le risque de déflation. Et si une portion significative des agents économiques commence à se convaincre d’une risque déflationniste, ces anticipations peuvent devenir auto-réalisatrices.

Ce débat devrait être tranché cette année, lors de la première "revue stratégique" par la BCE depuis 2003, annoncée par Christine Lagarde.

Christine Lagarde (12 décembre 2019) a écrit :

First of all, there is nothing unusual or extraordinary about having a strategic review. I actually consider for myself that it’s a little bit overdue. Legitimately so, because there were many other things to do but the last strategic review was in 2003. It’s been 16 years since there has been a strategic review, so it’s quite legitimate to have a strategic review at this point in time.

Second, that strategic review needs to be comprehensive, needs to look at all and every issue, will turn each and every stone and will take its time but will not take too much time. By that I mean my plan is to actually get the review started in the course of January. Don’t ask me which week or which day or which second, but it will be in the course of January. Our goal is to complete it before the end of 2020.

Third, about the strategic review, it will be reaching out to not just the usual suspects, but it will also include consulting with Members of Parliament and I’ve committed to that with the European Parliament. It will reach out to the academic community, of course. It will reach out to civil society representatives and it will aim at not just preaching the gospel that we think we master, but also listening to the views of those to whom we reach out. It is the point of every strategic review by all central banks that are conducting this exercise to actually look at their objective, how they define their medium-term objective in particular, how they give content to the price stability that is in their mandate, and it is the only objective that we have in our mandate ourselves. So that topic indeed will be core and centre to our strategic review. There is no preconceived landing zone at this point in time.

Perso, même si je pense que 2% est une cible d’inflation peut-être un peu trop haute pour la zone euro (compte tenu de sa structure démographique et économique, notamment sa croissance potentielle), je parie sur des changements limités de la cible d’inflation de la BCE. A mon avis, la position des responsables français va être déterminante dans ce débat : ils vont devoir trancher (ou trouver un compromis) entre la ligne Weidmann et la ligne des pays du Sud (à la Draghi). Pendant toute la crise, B. Coeuré a été le meilleur allié de M. Draghi, mais vers la fin du mandat de Draghi, il y a manifestement eu des divergences de vues entre les responsables français (Coeuré et Villeroy de Galhau) et Draghi, qui a fini par imposer ses vues sur le QE. Ma perception, c’est que c’était surtout un désaccord tactique (certains préféraient que cette reprise du QE soit tranchée par la nouvelle Présidente de la BCE), et non stratégique. Mais je peux me tromper, cela fait un moment que je ne suis plus dans le secret des dieux.

Le scénario que vous décrivez - un ralentissement économique structurel et une cible d’inflation impossible à atteindre quels que soient les montants injectés par la banque centrale - est celui qu’a connu le Japon depuis 25-30 ans. A mon sens, c’est de loin le risque économique principal pour la zone euro. Un changement important de la cible d’inflation (de 2% à 1,5%) est très périlleux dans ce contexte car il pourrait (i) confirmer le sentiment des agents économiques d’une inflation très basse voire structurellement négative et (ii) donner l’impression que la banque centrale est impuissante, réduisant encore l’efficacité de ses mesures. C’est sans doute en partie pour ces raisons que la Bank of Japan n’a pas révisé à la baisse sa cible - et c’est pourquoi je pense que la BCE ne le fera pas non plus.

Bank of Japan a écrit :

The Bank of Japan Act states that the Bank’s monetary policy should be "aimed at achieving price stability, thereby contributing to the sound development of the national economy."

Price stability is important because it provides the foundation for the nation’s economic activity. In a market economy, individuals and firms make decisions on whether to consume or invest, based on the prices of goods and services. When prices fluctuate, individuals and firms find it hard to make appropriate consumption and investment decisions, and this can hinder the efficient allocation of resources in the economy. Unstable prices can also distort income distribution.

On this basis, the Bank set the "price stability target" at 2 percent in terms of the year-on-year rate of change in the consumer price index (CPI) in January 2013, and has made a commitment to achieving this target at the earliest possible time.

Dans ce contexte, la banque centrale, liée par son mandat et par sa cible d’inflation, continuera à injecter de la liquidité et à baisser les taux, y compris sur le long terme. Cela continuera à déprimer le taux sans risque utilisé dans les valorisations DCF, donc à soutenir les prix des actions. Cela dit, les marchés boursiers continueront de fluctuer avec les primes de risques (selon les cycles économiques habituels, éventuellement atténués). La politique monétaire à strictement parler sera donc un soutien aux cours de bourse dans ce contexte, mais les effets néfastes de taux ultra-bas (survie d’entreprises endettées "zombies") et du QE (distorsions des signaux de prix) sont bien réels et créent un environnement pas évident pour les investisseurs, comme le montre l’évolution des marchés boursiers nippons depuis 25-30 ans (remontée pénible).

L’élément nouveau, par rapport à la déflation japonaise, c’est que désormais le risque déflationniste concerne potentiellement l’ensemble du monde industrialisé, donc il n’y aura pas vraiment d’alternatives extérieures pour les investisseurs, alors que les épargnants nippons ont pu diriger une partie de leur épargne vers les marchés étrangers, affaiblissant au passage le yen (ce qui allait / va vers les objectifs de la BoJ). Si la menace déflationniste devient mondiale, il n’y aura plus vraiment d’alternative viable (les marchés émergents étant risqués).

Dernière modification par Scipion8 (05/01/2020 11h21)

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#103 05/01/2020 12h06

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Je trouve votre point de vue intéressant et crédible. Cela dit, j’ai deux questions.

Est ce que les USA sont autant touchés 
par le risque déflationniste que l’Europe?  (Sinon, les USA pourraient servir d’économie dans laquelle investir en dernier recours).

Et classez vous la Chine et l’Inde parmi les émergents? (Un investisseur étranger ne devrait certes pas avoir confiance en l’environnement politique et légal de la Chine au point d’y placer une très grande partie de ses avoirs mais c’est clairement un acteur économique majeur.)

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#104 05/01/2020 12h44

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Les économies "avancées" entrent effectivement dans une phase de "japonisation" ne serait-ce que par leur profil démographique. Les variables démographiques sont structurelles, de long terme, et sont des variables majeures au niveau économique. Même les USA vont entrer dans ce schéma.
Pour résumer, le monde développé entre ou va entrer (pour les USA) dans une phase de déclin de la frange de la population qui porte la croissance mondiale, grosso-modo les 25-60 ans. Les actifs qui portent la consommation mondiale, qui s’endettent, qui achètent de l’immobilier etc… L’impact va être majeur.
Vous pouvez consulter les études du blogueur Chris Hamilton sur ce sujet :
Econimica

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#105 05/01/2020 13h02

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@Caratheodory : A mon sens (et de l’avis général, je pense), les USA sont moins exposés au risque déflationniste que l’Europe. La croissance potentielle y est supérieure, la démographie plus dynamique, et la mentalité collective moins dépressive (l’optimisme américain).

Cela dit, le fait que les anticipations d’inflation aux USA restent basses, en deçà de la cible de la Fed, alors que (i) l’économie tourne bien, (ii) le marché de l’emploi tourne à plein régime, (iii) la politique budgétaire soutient fortement l’activité économique et (iv) le bilan de la Fed est bien plus gros (en % du PIB) qu’avant la crise de 2007-2008, m’interroge : si l’économie US ralentissait significativement voire tombait en récession, n’y aurait-il pas un vrai risque de déflation aux USA ? Perso, je pense que oui, et je pense que c’est la principale crainte de la Fed.

Cela dit, le fait que les USA sont a priori moins exposés au risque déflationniste que l’Europe justifie à mon sens d’y orienter une partie d’un portefeuille boursier diversifié. C’est ce que j’ai fait, alors qu’initialement (cf. ma file de portefeuille) j’étais à l’aise avec une très forte pondération de la France et de l’Europe.

Mais si la déflation gagne aussi les USA, ça va devenir compliqué pour l’investisseur. Je classe effectivement la Chine et l’Inde parmi les émergents. J’y investis mais ce ne sont pas des marchés faciles compte tenu du risque politique et du manque de transparence des entreprises. Le niveau de risque n’est pas comparable avec les marchés boursiers US et européen, à mon sens. Sur le long-terme, je pense et j’espère que les normes de transparence et de fonctionnement des marchés qui existent aux USA et en Europe s’imposeront peu à peu dans les marchés émergents, permettant leur développement et facilitant l’accès des investisseurs.

La déflation est un phénomène complexe : on peut essayer d’en définir des causes, mais leur poids réel est compliqué à estimer. A mon sens, les principaux facteurs sont probablement :

a) démographiques : le vieillissement de la population est un phénomène mondial, plus marqué au Japon ou en Europe qu’ailleurs, mais les USA et la Chine sont aussi concernés.

b) technologiques : la digitalisation et l’uberisation de l’économie n’en sont à mon sens qu’à leur début, et ce sont des phénomènes mondiaux. L’intelligence artificielle et la robotisation promettent aussi d’immenses gains de productivité.

c) commerciales : malgré les épisodes de protectionnisme (Trump), l’économie mondiale ne cesse de s’intégrer toujours davantage. Cela va se poursuivre et continuera de déprimer les coûts de production. Cela dit, à un moment, on arrivera à une mondialisation vraiment "globale", où toutes les régions du monde seront intégrées, et où les gains de coûts de production deviendront plus difficiles du simple fait de l’absence de pays restant à l’écart (aujourd’hui, l’Afrique est encore largement à l’écart, même si c’est de moins en moins le cas).

d) politiques : si on utilise une grille de lecture marxiste, on peut voir la déflation comme la traduction économique de la domination de la classe possédante. L’inflation avantage les ménages endettés, alors que la déflation avantage l’épargnant, le bourgeois. Ces derniers dominant politiquement (tirant parti de la forte abstention et du refuge dans des votes extrêmes improductifs des classes populaires), ils imposent un environnement déflationniste. Là encore, la confiscation du pouvoir politique par la classe bourgeoise est une réalité mondiale.

e) psychologiques : la déflation est la traduction économique d’une mentalité collective dépressive. La crise de la démocratie, le millénarisme environnemental, les inégalités sociales, la dislocation des liens familiaux et sociaux au profit d’un individualisme forcené, la remise en cause de l’Etat-Providence (en Europe) et le déficit démocratique de l’UE sont autant de facteurs qui peuvent expliquer une mentalité collective dépressive. Au Japon, il semble que le tremblement de terre meurtrier de Kobe en 1995 (6000 morts) aient contribué à déprimer la population (s’ajoutant à l’éclatement des bulles immobilière et boursière), et à enraciner la déflation. Cela dit, le tsunami de 2011, encore plus meurtrier (16000 morts) ne semble pas avoir eu un impact déflationniste au Japon (plutôt même l’effet contraire sur l’activité économique), donc l’influence de ces facteurs psychologiques est complexe.

Considérant tous ces facteurs comme globaux plutôt que régionaux, j’ai tendance à me rallier à la thèse d’un risque déflationniste mondial. C’est la thèse de la secular stagnation de Lawrence Summers.
----------------------------------------------------------------------------------------------------------------
@Doubletrouble : 1) Je ne partage pas vraiment l’idée d’une "segmentation" de la population (entre riches et pauvres) s’agissant de l’impact de l’inflation. Le Gilet Jaune qui proteste contre les coûts du carburant a dans sa poche un mobile dont les performances sont énormément supérieures à celui qu’il avait il y a 20 ans, au même prix. La déflation concerne l’ensemble de la population.

2) Cela dit, la déflation (comme l’inflation) a évidemment des impacts redistributifs dans la population. En l’occurrence, l’inflation amoindrit la charge réelle de la dette - donc elle profite aux ménages endettés (classes moyennes). En revanche, la déflation augmente le pouvoir d’achat réel de l’épargne - donc elle profite aux classes supérieures.

3) Ensuite, il faut regarder l’impact redistributif des mesures de politique économique en réponse au risque déflationniste. Il est incontestable qu’aux USA, et à une bien moindre mesure en Europe, les QE ont avantagé les détenteurs d’actifs (immo, actions) - donc essentiellement les classes supérieures.

4) Selon une approche orthodoxe (qui est la mienne, après 10 ans à Francfort…), la banque centrale n’a pas pour responsabilité de corriger les éventuels impacts redistributifs de ses mesures de politique monétaire. Cela demande un mandat démocratique et, par ailleurs, des instruments redistributifs complexes (taxations, subventions etc.), donc c’est le rôle de l’Etat de corriger les éventuels impacts redistributifs des mesures de politique monétaire. On peut dire que cela n’a pas été du tout le cas (et ce jugement vient de quelqu’un qui n’est pas de gauche, hein).

La réponse fiscale "normale" au QE aurait dû être une augmentation de la taxation sur les plus-values boursières. C’est exactement le contraire qui est arrivé (à titre personnel, j’en suis bien content, hein, mais le résultat est une inégalité criante).

5) Par définition, une banque centrale ne peut pas faire faillite sur sa propre monnaie. En revanche, il est clair que des taux ultra-bas (voire négatifs) et du QE sur très longue période ont de nombreux effets secondaires néfastes (fonctionnement des marchés, incitations à l’indiscipline budgétaire, survie des entreprises zombies, inégalités sociales…), qui devraient être corrigés ou limités au maximum.

Un autre risque c’est que la banque centrale "en fasse trop" et se retrouve soudainement face à une menace inflationniste (c’est la thèse habituelle des Gave et autres Delamarche) : perso, je n’y crois pas du tout parce que le passage soudain d’une mentalité collective déflationniste à une mentalité collective hyper-inflationniste me semble très improbable. Et aussi parce que les banques centrales sont infiniment mieux armées pour faire face à l’inflation (on monte les taux brutalement, on restreint la liquidité - cf. la Fed / Volcker à la fin des années 1970) que face à la déflation.

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#106 05/01/2020 18h34

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Le problème de la confiscation du pouvoir par l’hyperbourgeoisie (c’est un concept néo-marxiste familier des lecteurs du Monde Diplomatique) s’aperçoit peut être plus aisément avec une grille de lecture marxiste mais peut également être envisagé du point de vue de la démocratie libérale.

Je me demande si la modalité principale de cette confiscation n’est pas au fond la politique fiscale favorable aux gros détenteurs d’actions et aux multinationales qui caractérise l’epoque qui s’est ouverte en 1979. Bill Gates a écrit le 30.12.19 une note de blog reprise par le Figaro où il demande une augmentation de la fiscalité des hauts revenus. C’est très étonnant, on ne s’attendrait  pas en France à ce que  B. Arnault dise ça (*) mais il est vrai que Gates a des positions atypiques sur le sujet. Comme tout entrepreneur schumpeterien à la réussite exceptionnelle, il est devenu un capitaliste rentier, mais contrairement aux autres il culpabilise, voire semble terrifié, de ce processus de métamorphose inéluctable (ou de sénescence).  Le poids des GAFA dans les indices boursiers est aussi un symptôme du laxisme fiscal et réglementaire dans lequel ces entreprises ont pu se développer dans une direction  monopolistique.

Je pense qu’il y aura des contre-réactions politiques.  D’une certaine façon le trumpisme en est une, comme une tentative de faire endosser à la concurrence étrangère la responsabilité de la paupérisation de la partie de la classe moyenne qui ne peut pas accèder aux emplois haut de gamme  pour masquer les effets délétères de l’égoïsme fiscal des riches (qui ont reçu moins de publicité aux USA que ceux du welfare state (**)).

Je me demande aussi si votre explication de la surperformance des USA n’est pas un peu superficielle. Les USA jouissent jusqu’à présent d’une puissance militaire, notamment en matière de renseignement, d’une domination idéologique  et d’une capacité à imposer normes et règles qui sont sans rivales (et pas étrangères aux succès des GAFA, si on observe comment les USA défendent leurs pratiques fiscales dans le debat en cours à l’OCDE.). Sans compter le rôle particulier du dollar dans l’économie mondiale qui a été tant de fois analysé.
Je serais enclin, parce que je pense que les fondations de l’économie sont de nature politique,  à voir là-dedans un avantage structurel bien plus considérable que l’optimisme de la nation américaine (qui d’ailleurs est sans doute relié au fait qu’ils n’ont pas connu les débâcles géopolitiques de la Chine au XIXe siècle ou des États européens au XXe).
Ca fait très longtemps qu’on annonce que les USA sont en perte de vitesse, ça ne s’est pas vraiment réalisé, mais ils sont probablement très inquiets de l’apparition d’une puissance qui a la taille critique pour les concurrencer sur tous les plans. C’est ainsi que j’analyserais le raidissement trumpien.

Dans tous ces domaines politiques qui me semblent cruciaux pour l’évolution long terme de l’économie (supposée se refléter dans l’évolution long terme des marchés actions), l’action des banques centrales me semble au mieux instrumentale.

Evidemment s’il s’avérait qu’un New Paradigm apparaisse mon appréciation devrait changer. Mais je suis très sceptique de nature. Il y a un côté empirique dans la formation des théories de la monnaie qui semblent être utilisées par les banques centrales, basé sur l’analyse post mortem des crises et d’ observations de séries statistiques d’indicateurs macroéconomiques plus ou moins bien calibrés, et tout celà n’est pas bien sérieux pour un mathématicien élevé dans le culte des sciences dures et de leurs méthodes. Tout New Paradigm est un parfait candidat à devenir une Beautiful Theory Slain by an Ugly Fact.

(*) Sans compter que la thèse pikettyenne de l’explosion des inégalités sur les 40 dernières années est infinimement mieux fondée pour les USA que pour la France.
(**) Ça m’avait frappé quand j’avais passé une année aux USA pendant mon doctorat, il y a presque 30 ans.

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#107 05/01/2020 18h52

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Je ne connais pas les thèses de Gave et Delamarche mais leurs noms reviennent souvent en rapport avec des thèmes de fin du système financier/hyperinflation/goldbug. Ma question ne portait pas sur des scenarios si extrême, je vais essayer de la reformuler :

- Depuis le début de ce siècle, tout le monde s’accorde sur le fait que les richesses se retrouvent concentrées dans de moins en moins de mains. On pourra choisir le consensuel Picketty par exemple pour étayer ce point.
- Les mesures exceptionnelles prises par les banques centrales lors de la crise ont contribué à exacerber ces inégalités. C’est aussi un point consensuel.
- Je prend un article de marketwatch, tout aussi consensuel :
The richest 10% of households now represent 70% of all U.S. wealth - MarketWatch
10% des foyers américains contrôlent 70% de la richesse du pays.
- C’est là que je fais peut-être un saut logique audacieux : à mon sens, les tendances déflationnistes observées proviennent donc du comportement de ces 10% (certes probablement vieux*, dominants, déprimés et bien équipés technologiquement) - mais le comportement des 90% a in fine une influence négligeable en regard de celui des 10% les plus "riches".
- Ces 90% sont pourtant en première ligne et subiront de plein fouet des mesures exceptionnelles comme les taux négatifs ou la suppression du cash.
- D’où ma question : l’histoire récente semble indiquer que les 10% s’accommodent fort bien des mesures exceptionnelles (et prospèrent : leur net worth a explosé en 2019), sans générer l’inflation attendue ; en revanche, les 90% souffrent sans avoir les moyens de se mettre à l’abris.

Sachant que dans un système de monnaie de type fiat, la survie de la monnaie repose malgré tout sur la foi des 90% laissés pour compte, je m’interroge sur la probabilité qu’une banque centrale trop préoccupée par le comportement des 10% n’induise un Etat a faire un faux pas politique (comme introduire une taxe de Gesell, ou supprimer le cash) qui finirait par rendre la devise indésirable pour les 90%. La citation d’Hemingway ne faisait aucunement allusion à une faillite des banques centrales (ce qui est impossible, comme vous le rappelez bien) mais plutôt à la manière dont un système humain peut dysfonctionner d’abord graduellement, subtilement, puis rompre très soudainement. Ca me paraissait plus élégant qu’un autre classique, "Jusqu’ici tout va bien", qui aurait impliqué que le système finisse étalé comme une crèpe - on survit à une banqueroute.

Les conséquences ne seraient probablement pas une hyperinflation mais peut-être l’utilisation d’une autre monnaie (cash illégal thésaurisé, mini BOTs italiens… ?) comme en Amérique Latine ou au Moyen Orient, l’explosion de l’économie informelle et/ou une déstabilisation politique ?

Ces 600 milliards d’euros qui dorment sous des matelas | Les Echos

(*) La démographie n’est pas une fatalité : la Hongrie, pays développé, a un taux d’inflation de 3% alors que sa population décroît depuis 1981. La Norvège est plus développée que la France mais l’inflation y est plus forte malgré un taux directeur plus élevé et une croissance démographique comparable.

Dernière modification par doubletrouble (05/01/2020 19h31)


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#108 05/01/2020 20h42

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@Doubletrouble : Quand il y a un problème de confiance en la monnaie, la valeur réelle de la monnaie (son pouvoir d’achat) se déprécie : c’est l’inflation. C’est tout le contraire que l’on observe aujourd’hui : une inflation très basse, voire un risque de déflation. Il n’y a donc absolument pas de problème de confiance dans la monnaie en zone euro et aux USA - bien au contraire.

D’ailleurs toutes les tentatives d’alternatives aux devises fiat en général, et à l’euro en particulier, font pschittt les unes après les autres : cryptos, mini BOT italiens…

Quant à l’or, le taux négatif qui s’y applique (= le coût de détention) est très nettement supérieur au taux négatif de la BCE (-0,5%) : frais annuels d’environ 1%-1,5% pour les firmes internationales spécialisées dans le stockage d’or pour les particuliers. Même pour quelqu’un qui garde l’or chez lui, il y a un coût (sécurité, assurance etc.) et un risque importants - bien supérieurs au taux négatif de la BCE.

Outre l’absence d’inflation, on n’observe aucune tendance à la thésaurisation, aucun succès des pseudo monnaies (cryptos), et aucune dollarisation en zone euro. Tout cela contredit la thèse d’un manque de confiance dans l’euro.

Il n’y a pas non plus de volonté des banques centrales de "supprimer" le cash, bien au contraire : le seigneuriage monétaire est rentable pour une banque centrale ! Si la circulation fiduciaire diminue dans certains pays (Suède, par exemple), c’est simplement en raison de la préférence des consommateurs et des entreprises (commerces) pour les modes de paiement électroniques - la banque centrale est neutre dans cette histoire et s’adapte aux préférences des agents économiques.

Face à un risque de déflation, la banque centrale n’a simplement pas le choix : elle doit injecter de la liquidité et abaisser son coût. C’est son mandat, et les instruments à sa disposition sont très rudimentaires : (i) taux ultra-bas voire négatifs, (ii) QE, (iii) helicopter money. Si ces instruments ont des effets redistributifs, c’est le rôle de l’Etat de les compenser, la banque centrale n’a simplement ni les instruments ni la légitimité démocratique pour le faire. La redistribution est un sujet éminemment politique : si les classes populaires se réfugient dans l’abstention ou dans des votes improductifs aux élections, c’est leur choix et leur responsabilité : à 90%, elles devraient pouvoir gagner les élections, hein.

PS : La Hongrie est un bon exemple d’un certain manque de confiance des agents économiques dans la monnaie - ce qui explique l’inflation, la dépréciation du forint sur le marché des changes, ainsi que la dollarisation (EUR, CHF) dans le pays. C’est donc loin d’être un exemple. Pour info (c’est public), pendant la crise la banque centrale de Hongrie a dû recourir à un accord de repo avec la BCE afin de fournir à ses banques les € dont elles avaient besoin et éviter un effondrement systémique (c’est moi qui ai rédigé l’accord de repo - un de mes premiers gros dossiers).

Dernière modification par Scipion8 (05/01/2020 20h47)

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#109 05/01/2020 21h14

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Donc en suivant vos explications Scipion8, c’est en cas de crise de confiance dans l’euro que l’inflation peut revenir. Et le seul moyen que je vois c’est en cas de crise énergétique, l’Europe dépendant des importations.

Les USA ayant de vastes ressources énergétiques, le dollar me semble protégé de ce type de crise mais pas l’Euro.

Je suis assez d’accord avec vous que sur le long terme la technologie et les investissements en énergie renouvelable, couplés aux robots et l’automatisation devraient déflationnistes, a court terme je vois un risque d’inflation dû au coût de l’énergie, qui est cyclique et a un point assez bas. Cela dit cela peut très bien ne pas se réaliser.

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#110 05/01/2020 21h34

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Il est possible aussi qu’avec cet afflux de cash imprimé l’enrichissement des 10% ne soit d’aucune utilité à contenir un tendance déflationniste (y compris par leur taxation) et que les 90% finissent par avoir une augmentation salariale significative qui donnerait une vrai inflation sans perte de confiance en la monnaie.

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#111 05/01/2020 21h42

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Une discussion récente avec un membre de ma famille patron de TPE m’a remis les idées en place sur pourquoi il y a une paranoïa sur la disparition du cash.

J’ai naïvement  émis l’hypothèse que c’était les commissions prélevées pour l’usage de la monnaie électronique.

Que nenni, m’a t’il été rétorqué.  C’est beaucoup plus simple. 

En substance (je reformule parce que ça m’a été expliqué par des exemples concrets):

Le cash est la plus sure façon de faire une transaction sans laisser de traces. C’est pourquoi certains agents économiques ont une préférence pour le cash.
Ceux qui opèrent dans l’économie illégale certes mais surtout ceux qui travaillent partiellement ou totalement au noir. C’est l’optimisation fiscale du pauvre.

Rien à dire. Je reconnais l’évidence quand elle m’est exposée clairement.

Au fond c’est pour ça que j’ai éliminé le socialisme des options politiques que je juge praticables:  il n’y a aucune chance que ça puisse marcher avec des vrais gens.  Je crois aussi que c’est pour ça que la sélection des politiciens laisse tant à désirer: l’élu clientéliste crée plus d’opportunités pour les petites combines et sait se créer des obligés.

Dernière modification par Caratheodory (05/01/2020 21h43)

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#112 06/01/2020 00h13

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Il y a encore plus simple et parfaitement légal pour la paranoïa de la disparition du cash. La disparition du cash c’est un bout de liberté qui disparait. Avec un monnaie 100 % électronique, quelqu’un de bien informé pourra savoir tout ce que vous faites. Vous ne pourrez plus emmener votre maitresse au restaurant sans risque qu’un policier mal intentionné fasse un jour pression sur vous, ou un journaliste découvre l’affaire parce que vous êtes célèbre, etc.

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#113 06/01/2020 12h28

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Bonjour Jérôme,
Votre argument ne me semble pas convaincant. 
Pourquoi alors les gens achètent ils des smartphones? Utilisent ils des cartes bleues? Se connectent ils à internet? Ça permet exactement les mêmes intrusions dans la vie privée que celles que vous évoquez et bien d’autres encore.
Ceci dit, la discussion sur la disparition du cash est un peu hors sujet, je ne vois pas comment le passage à une monnaie 100% électronique impacterait  les marchés actions.

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#114 06/01/2020 12h39

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Caratheodory a écrit :

Pourquoi alors les gens achètent ils des smartphones? Utilisent ils des cartes bleues? Se connectent ils à internet? Ça permet exactement les mêmes intrusions dans la vie privée que celles que vous évoquez et bien d’autres encore.

Parce que la plupart des personnes n’ont qu’à peine conscience de toutes les données qui sont enregistrées à leur insu. Ceux qui savent soit l’acceptent soit font en sorte d’en minimiser l’impact, mais surtout pour l’instant nous avons encore le choix. Avoir un smartphone n’est pas une obligation, tout comme utiliser sa carte bleue, exemple bête, mais j’ai j’ai payé le cadeau de ma compagne en liquide, pour ne pas qu’il apparaisse sur le relevé de compte. Sinon la surprise aurait été moindre …


« On ne résout pas un problème avec les modes de pensée qui l’ont engendré. »

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#115 06/01/2020 13h29

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L’inquiétude sur la disparition du cash est le souvenir de l’haircut chypriote, des restrictions de retrait en Grèce, en Argentine, au Venezuela, etc.
La loi Sapin sur les assurances vie confirme par la loi l’éventualité de ces mesures en France en cas de crise de la dette.


I create nothing, I own. -Gordon Gecko

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#116 06/01/2020 15h16

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@Caratheodory
Il y a une énorme différence entre le fait de faire 99 % de transactions en numérique et le fait d’être obligé de réaliser 100 % de ses transactions en numérique. Dans un cas vous avez la possibilité de vous mettre (partiellement) à l’abri de la loi, la morale, le qu’en dira-t’on, etc, dans l’autre cas non. L’exemple de Mali49 est assez clair.

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#117 06/01/2020 15h56

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Vous ne semblez pas prendre en compte l’existence des crypto-monnaies. Le Bitcoin garanti l’anonymat des transactions au même titre que le liquide, non ? Ne s’agit-il pas d’une alternative possible ?

À noter : notre échange devient hors sujet !

Dernière modification par PierreP (06/01/2020 15h57)


Pierre ––– Parrainage : yomoni, wesave, casden, boursorama, fortuneo… Il suffit de m'adresser un message…

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#118 06/01/2020 16h48

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ENTJ

Désolé de continuer le hors sujet, mais petite rectification : le bitcoin n’apporte pas d’anonymat. Il existe cependant d’autres crypto monnaies qui le permettent (et qui sont pas mal utilisées pour des demandes de rançons ou des trafics en tout genre…)

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#119 06/01/2020 17h36

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Scipion8 a écrit :

Par ce mécanisme, chaque déposant de la zone euro est indirectement affecté par les taux négatifs de la BCE, puisque aucune banque ne veut se retrouver avec trop de liquidité excédentaire en fin de journée, donc les banques abaissent la rémunération de leurs dépôts.

Oui, enfin on discute de l’alternative cash ou action là. Entre avoir une rémunération de son cash de 0,5 % ou 0 %, ou pourquoi pas, de -0,5 % et une correction boursière, il reste un gros écart.

Scipion8 a écrit :

Vous avez peut-être le biais de l’investisseur value : vous ignorez la variable temps ;-) Je considère qu’une correction boursière est inévitable parce que nous sommes en fin de cycle, mais je n’ai aucune idée de son timing : elle peut être dans 1 mois, dans 1 an ou dans 5 ans - aucune idée ! Je pensais déjà que l’on était en fin de cycle il y a 3 ans - heureusement que j’ai quand même commencé à investir en bourse ! Le coût d’opportunité de ne pas être investi est énorme, particulièrement en période de taux ultra-bas voire négatifs.

Ok, si la "correction boursière" est prédite à 8 ans prêt alors je comprends mieux que vous restiez investi. Effectivement, à cette échelle là nous sommes surement en fin de cycle. smile

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#120 06/01/2020 18h52

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JeromeLeivrek a écrit :

Oui, enfin on discute de l’alternative cash ou action là. Entre avoir une rémunération de son cash de 0,5 % ou 0 %, ou pourquoi pas, de -0,5 % et une correction boursière, il reste un gros écart.

Et si c’était la monnaie en tant que tel qui perdait toute sa valeur (par de l’hyperinflation par exemple) ?

En d’autres termes, en face de la correction boursière, ne pourrait-on pas avoir un risque de "correction monétaire" ?

A titre personnel, j’ai davantage confiance en la pérennité de beaucoup d’entreprises cotées que de notre système monétaire (ou plutôt je suis incapable de dire si l’euro restera une devise de référence dans les 10, 20 ou 30 prochaines années … là où je peux raisonnablement espérer qu’un portefeuille d’actions diversifiées continue de créer de la valeur sur une longue période …).

De ce point de vue, on pourrait penser qu’être investi (pas nécessairement en actions d’ailleurs) est un bon moyen de se prémunir contre un effondrement de la monnaie …

Je trouve - peut être de manière trop simpliste - que les actions sont un bon moyen de se prémunir contre la volatilité monétaire (sauf bien sur lorsque les actions en question sont émises par des entreprises elles mêmes surexposées à une zone monétaire en particulier …).

Pour reprendre ce que disait Scipion ci-avant à propos des marchés boursiers, je pense également (à propos du marché monétaire) qu’un jour ou l’autre on paiera par des corrections violentes les politiques expansionnistes de nos banques centrales - j’ignore si ça arrivera dans 1 mois, 1 ans, 10 ans - mais j’ai le sentiment que ça arrivera.

En attendant, il y a de moins en moins d’entreprises cotées (aux Etats Unis et en Europe notamment) alors que la masse monétaire est en constante augmentation …  J’ai tendance à y voir un argument supplémentaire pour détenir des actions plutôt que du cash …

Déontologie : je détiens une position acheteuse/vendeuse sur une ou plusieurs société(s) listée(s) dans ce message.

Dernière modification par ilovevalue (06/01/2020 18h53)

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#121 06/01/2020 18h59

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Notre débat avec Scipion se situait dans un cadre déflationniste, cf ce message #97.

Dans un cadre inflationniste, on est d’accord.

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Favoris 1   [+4]    #122 06/01/2020 20h25

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@JeromeLeivrek / Ilovevalue : Du point de vue de l’investisseur, la détention de cash présente 3 coûts / risques essentiels :

1) le coût d’opportunité : quand bien même on serait en capacité d’identifier la phase du cycle économique / boursier avec plus ou moins de précision (ce qui est impossible ou quasi impossible), en termes probabilistes et sur un horizon d’investissement suffisamment long, détenir du cash avec une faible rémunération présente un coût d’opportunité important par rapport à la détention d’actions qui rapportent en moyenne à 7% / an, sur longue durée.

Ce coût d’opportunité est accru significativement par les mesures de la banque centrale face à la menace déflationniste :

a) D’une part, la rémunération du cash baisse jusqu’à devenir nulle voire négative.

b) D’autre part, les mesures de la banque centrale font mécaniquement monter les actions (et autres actifs risqués) par (i) la baisse du taux sans risque (paramètre des valorisations DCF) et (ii) les effets d’éviction du QE, qui "chasse" les investisseurs des obligations d’Etat (achetés en masse par la banque centrale) vers les actions.

2) le risque monétaire : le risque sur la crédibilité de la monnaie. Il se manifeste par (i) l’inflation et (ii) la dépréciation de la monnaie sur le marché des changes.

3) le risque bancaire : sauf sous sa forme thésaurisée (qui présente des risques spécifiques), ce qu’on appelle "cash" est un prêt à une banque ou autre intermédiaire financier. Ce n’est donc pas du tout un actif "sans risque", du point de vue du risque de crédit.

En Europe, la nature et la probabilité de ce risque a fondamentalement changé avec l’adoption de la Bank Recovery and Resolution Directive (BRRD), à l’issue de la crise (et en tirant les enseignements). Ce texte clarifie les conditions de mise à contribution des créditeurs des banques, y compris les déposants non garantis (= au-dessus de 100k€ par déposant et par établissement de crédit), via l’instrument de renflouement interne (bail-in, utilisé à Chypre en 2013).

Nous ne sommes plus dans l’ancien monde, où les banques étaient systématiquement sauvées par l’Etat (= le contribuable). Désormais, les créditeurs des banques, y compris les déposants non garantis, sont mis à contribution pour recapitaliser une banque jugée systémique.

Mon sentiment sur la situation actuelle, c’est que :

1) Certains investisseurs ne comprennent pas l’effet des mesures anti-déflation de la banque centrale sur l’opportunité des stratégies de détention d’une poche de cash dans le cadre d’un portefeuille boursier. C’est devenu une stratégie significativement plus coûteuse que dans l’ancien temps.

2) Beaucoup d’investisseurs surestiment le risque monétaire pour l’euro, alors que nous ne sommes pas (mais alors, vraiment pas) face à une menace inflationniste - mais la menace exactement opposée. Evidemment, il y a de gros biais politiques de la part de gens qui ont une dent contre l’euro ou l’UE - conduisant à des choix d’investissement irrationnels (par exemple la détention excessive d’or).

3) La plupart des investisseurs "zappent" complètement le risque bancaire sur la poche cash de leur portefeuille boursier. Alors que du point de vue de la garantie des dépôts, donc du bail-in, la poche cash d’un CTO ou d’un PEA est traitée exactement de la même manière qu’un compte courant. Il est donc très facile pour un investisseur doté d’un patrimoine moyen (plus précisément, moyen +), par exemple, un PEA de 100k€ et des liquidités (hors livrets garantis par l’Etat) de 50k€ d’excéder le plafond garanti de 100k€ par déposant et par établissement de crédit. Il n’y a pas besoin d’être "riche" pour être concerné par le risque de bail-in !

A mon avis, il pourrait y avoir de très mauvaises surprises pour ceux qui ignorent ce risque bancaire pour le cash, car les risques sont corrélés : les boursicoteurs habitués à passer largement en cash le font souvent pendant ou à l’approche d’une récession, alors que c’est précisément à ce moment là que les problèmes de solvabilité bancaire sont les plus probables…

Personnellement, je suis très averse au risque bancaire (au-delà de mon compte courant) et je cherche à l’éliminer du reste de mon patrimoine : pas/peu d’ETF d’émetteurs liés aux banques, pas de poche cash dans mon portefeuille boursier.

Par ailleurs, je rejoins votre avis, Ilovevalue, sur le fait que les actions internationales, qui sont un actif hybride = flux de cash futurs + actifs réels, sont a priori un bon hedge contre l’inflation, même si une hyper-inflation mondiale aurait des conséquences politiques et économiques catastrophiques qui n’épargneraient évidemment pas les entreprises, donc les actions. Cela dit, c’est un risque à mon sens actuellement très, très faible. (On peut avoir 1% à 5% d’or si on craint ce scénario, ça correspond à mon sens à peu près à son risque de matérialisation à l’horizon de ma vie.)

Dernière modification par Scipion8 (06/01/2020 20h27)

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#123 06/01/2020 21h58

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Tout à fait en ligne avec votre post comme souvent très clair et très argumenté.

Pour moi, l’or n’est pas non plus une bonne alternative à la monnaie fiduciaire (ce n’est qu’un avis). J’ai préféré lui substituer un investissement en immobilier non bâti (terres agricoles + prochainement quelques hectares de bois).

Je ne sais pas si ça m’était destiné mais je ne surestime pas le risque monétaire pour l’euro, il est bien évidemment extrêmement faible. Je pense simplement qu’en cas de réalisation il sera irréversible. Pour la garantie de 100k€ à laquelle vous faites allusion, ça suppose que (i) l’Etat demeure solvable (même risque que pour l’euro, occurrence faible mais conséquences irréversibles en cas de réalisation) et que les (ii) 100k€ valent encore quelque chose (cf les échanges sur l’inflation/la dévaluation).

Je suis très à l’aise avec une gestion de ma trésorerie à flux tendu (mon patrimoine n’est jamais composé à plus de 35-50k€ de liquidités).

En même temps, il n’est pas exclu que je passe le restant de ma vie à avoir tort sur le risque monétaire …

Message édité par l’équipe de modération (06/01/2020 22h07) :
- suppression de la citation du message immédiatement précédent

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#124 07/01/2020 00h12

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Scipion8 a écrit :

Le scénario que vous décrivez - un ralentissement économique structurel et une cible d’inflation impossible à atteindre quels que soient les montants injectés par la banque centrale - est celui qu’a connu le Japon depuis 25-30 ans. A mon sens, c’est de loin le risque économique principal pour la zone euro. Un changement important de la cible d’inflation (de 2% à 1,5%) est très périlleux dans ce contexte car il pourrait (i) confirmer le sentiment des agents économiques d’une inflation très basse voire structurellement négative et (ii) donner l’impression que la banque centrale est impuissante, réduisant encore l’efficacité de ses mesures. C’est sans doute en partie pour ces raisons que la Bank of Japan n’a pas révisé à la baisse sa cible - et c’est pourquoi je pense que la BCE ne le fera pas non plus.

Concernant l’inflation basse et le risque de déflation, les ex banquiers centraux semblent en accord avec votre analyse.
M. Draghi constate un risque de japanification de la zone euro mais écarte l’idée d’une spirale déflationniste à condition que les politiques fiscales prennent le relais de la BCE. 
J. Yellen et B. Bernanke s’accordent à dire qu’aux USA, la politique monétaire et les QE sont de bons outils pour stimuler l’économie.
J. Yellen pense qu’ils ne seront toutefois pas suffisants dans les années à venir et que des dépenses fédérales et des baisses d’impôts supplémentaires seront nécessaires pour supporter l’économie.

Draghi, Yellen Warn of Risks Facing Policy in Low-Rate World

Sauf que, contrairement aux USA, les états européens n’ont aucune intention de faire des baisses d’impôts ou de relances budgétaires.
Donc, si comme le dit M. Draghi « time is not infinite », que se passera-t-il quand les politiques monétaires ne seront plus efficaces ?
Quelle sera alors l’alternative à la japanification et à la stagnation séculaire ?
That’s the question …

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Favoris 1    #125 07/01/2020 14h51

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@Dom67 : L’arsenal des banques centrales est beaucoup plus efficace et "battle-tested" face à une inflation excessive (on applique un "playbook" très classique consistant à rendre la monnaie plus rare et plus coûteuse - ce qui ne veut pas dire que ces mesures sont indolores pour la population), que face à une déflation. Les banques centrales sont de relatives "débutantes" face au risque déflationniste, alors qu’on a des siècles d’expériences dans tous les pays face à l’inflation. Et il est incontestable que les principales mesures contre la déflation - le QE, les taux négatifs, l’helicopter money - ont toutes des risques et des effets secondaires néfastes.

La politique budgétaire pourrait prendre le relais, effectivement. Le problème en Europe est que les Etats qui pourraient avoir une politique budgétaire moins restrictive ne le veulent pas (Allemagne), alors que les Etats qui voudraient bien avoir une politique budgétaire plus favorable à la croissance ne le peuvent pas (Italie, France)…

@Ilovevalue : Je ne visais personne en particulier par mes remarques - c’était juste une observation générale qu’on observe (forums, Youtube, presse etc.) beaucoup plus d’inquiétude sur le risque monétaire (qui à mon sens est très faible aujourd’hui en zone euro) que sur le risque bancaire pour l’épargnant (alors que celui-ci est bien réel et a fondamentalement changé avec la BRRD) - dans le contexte de la gestion d’un portefeuille.

Le risque monétaire, en réalité, est de nature principalement politique : un effondrement monétaire ne surviendra pas d’un problème "technique" ou "économique". Seul un effondrement politique pourrait le déclencher. Evidemment, le risque politique peut avoir des racines économiques : un Etat qui gère ses finances de façon irresponsable devra tôt ou tard adopter une austérité sévère, ce qui entraînera la montée des populistes qui, une fois au pouvoir, pourraient remettre en cause l’indépendance de la banque centrale, son mandat de maintien de la stabilité des prix etc. Et là, il y aurait bel et bien un risque monétaire. De même qu’avec un tel scénario, on pourrait s’interroger sur la viabilité des obligations souveraines et sur celle de la garantie des dépôts de 100k€ par épargnant et par banque (cf. les promesses de campagne de M. Mélenchon sur l’annulation de la dette française… détenue principalement par les ménages français via leurs AV).

Evidemment, ce risque politique existe bel et bien, et à l’horizon d’une vie on ne peut certainement pas le nier (il suffit de regarder l’histoire des générations précédentes). Cela dit, dans un scénario politique catastrophique, toutes les protections pour l’épargnant s’effondrent, puisque potentiellement le droit de propriété est alors remis en cause de façon plus ou moins directe (nationalisations, expropriations etc.). Difficile de se couvrir face à de tels scénarios, hormis par des précautions de base comme l’ouverture de comptes à l’étranger et la détention d’or physique.
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------
@JeromeLeivrek, Kromoz0hm, PierreP : L’anonymat du cash est à relativiser, comme l’explique bien cet article de JP Koning : si vraiment on veut retrouver le détenteur de billets bien identifiés, on le peut, comme dans l’histoire célèbre du kidnapping de l’enfant de Charles Lindbergh en 1932. La liste complète des numéros de séries des billets de la rançon avait été imprimée dans le New York Times.

Initialement sans succès, car le kidnapper avait pris soin de demander des billets n’appartenant pas à la même série, rendant l’identification par les banques beaucoup plus difficile. Avec la décision (évidemment sans lien avec l’affaire !) du Président Roosevelt en 1933 de retirer de la circulation les billets convertibles en or, leur circulation est devenue beaucoup plus rare, et le kidnapper a ainsi fini par se faire piéger en 1934. Avec les moyens modernes de tracking, tout cela serait maintenant un jeu d’enfant. (D’ailleurs, comme l’explique JP Koning, la banque centrale néerlandaise a un système de suivi des billets.)

Donc si l’usage des billets est perçu comme anonyme (ou pseudo-anonyme), c’est uniquement parce que les banques centrales le veulent bien, parce qu’elles comprennent bien le besoin de protection de la vie privée.

La "disparition" du cash dans certains pays (Suède) - à nouveau simple conséquence des préférences des consommateurs et commerçants et non de la banque centrale - rendrait plus difficile cette protection de la vie privée. Les pseudo monnaies privées du type bitcoin, outre leurs multiples défauts (pas de valeur intrinsèque, manipulations, extrême volatilité, certitude d’une disruption technologique etc.), ne garantissent pas l’anonymat de leur détenteurs. C’est un jeu d’enfants pour les autorités américaines, par exemple, d’identifier et de cibler des adresses bitcoin utilisées par des personnes visées par leurs sanctions.

Une solution technique possible, ce sont les central bank digital currencies (les "cryptos de banque centrale"), utilisant la technologie de la blockchain pour garantir un anonymat (ou pseudo anonymat) des utilisateurs. Cela dit, cela resterait du pseudo anonymat, avec probablement des cas de levée de l’anonymat, sous l’autorité d’un juge, dans des circonstances particulières (AML-CTF). Cela permettrait aussi de mettre en place des mesures de politique monétaire en touchant directement les agents économiques (par exemple l’helicopter money), sans passer par les banques. Beaucoup de banques centrales ont des projets dans ce sens. La BCE est plus prudente sur ce sujet mais cela pourrait changer avec Mme Lagarde.

En passant : si vous voulez suivre le "parcours" de vos billets € dans votre portefeuille, vous pouvez utiliser ce site : il suffit de s’inscrire et d’indiquer (i) la dénomination, (ii) le numéro d’impression, (iii) le numéro de série, et (iv) l’endroit où vous avez obtenu ce billet. Vous alimentez ainsi une base de données qui permet de suivre des dizaines de millions de billets.

Dernière modification par Scipion8 (08/01/2020 08h20)

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