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#76 04/11/2019 19h49

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Re !

Si c’était visible, ce ne serait plus caché.

Plus sérieusement, l’anecdote était plutôt dans la première monnaie en composite.

 
Sinon, pour rester triste :

Officiellement, pour tous les pays de l’UE, la Transnistrie fait partie de la Moldavie.
Or, la Moldavie et l’Union européenne ont signé un partenariat fort avec l’UE. L’accord contient un volet monétaire qui a reçu l’aval de la BCE.

La Moldavie veut, depuis longtemps, adhérer à l’UE, qui a sur place, une représentation officielle (comme la BCE y a(urait) un Bureau).

De plus, la Moldavie a des liens très forts et très anciens, avec la Roumanie, membre à part entière de l’UE, et qui doit rejoindre la zone Euro d’ici 2022.

Mais l’autonomie de la Transnistrie est garantie par le "groupe opérationnel des forces russes en Moldavie", et les citoyens de Transnistrie ont tous un passeport russe.

Tout cela rend la situation inextricable…

Dernière modification par M07 (05/11/2019 06h40)


M07

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#77 07/11/2019 18h56

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@PavelK

Il n’y a pas de raisons impérieuses pour que les taux US ne soient pas négatifs. C’est juste improbable en l’état actuel de l’économie américaine (robuste, plein emploi  et non inflationniste); maintenant si une situation semblable à la Grande Crise Financière se produisait, le probabilité monterait en flèche.
Le niveau des taux est la solution de l’équation, pas le problème. Des taux négatifs découragent l’épargne de précaution et favorisent l’investissement, dans un environnement non inflationniste. 
Parmi les actifs de précaution, le dollar avec ses taux à 1,5% est très généreux par rapport à  l’or, à 0%, et à l’Euro, au yen, et  au franc suisse en territoires négatifs depuis et pour longtemps.

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#78 07/11/2019 21h10

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Merci, ma question était bien évidemment "structurelle" sans tenir compte de la santé de l’économie américaine.
J’ai entendu un avis que les taux négatifs sont inacceptables à cause d’une forte exposition des ménages américains aux marchés financiers. Je n’ai pas compris se phénomène, pour cela j’ai demandé ici si quelqu’un connait quelque choses à ce sujet.


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#79 08/12/2019 18h07

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La situation reste très tendue sur le marché du REPO:
Fed Adds $93.5 Billion to Financial System in Latest Repo Transaction  - WSJ

Malgré les interventions massives de la FED de NY. La Banque centrale américaine est proche de quasi-nationalisation de ce marché.


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#80 18/12/2019 00h14

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Bonjour Scipion,

A nouveau, je me permets de vous poser 2 questions que je me pose sur la situation actuelle:

1) Est-ce que la reprise l’augmentation de la taille du bilan de la FED entre dans le terme "constructive ambiguity" dont vous nous aviez parlé?

2) Concernant ce qu’il se passe sur le marché du repo certains tweets comme celui ci-dessous semble faire un parallèle avec le Special Liquidity Facility de la fin du siècle dernier. Est-ce que cela à un sens?

FED a écrit :

Special Liquidity Facility (SLF) for lending to depository institutions from October 1, 1999 through April 7, 2000. The facility was designed to help ensure that depository institutions in sound financial condition would have adequate liquidity to meet any unusual demand in the period around the century date change.


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[+2]    #81 25/12/2019 18h09

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Bonjour Zeboulon,

1) Non, la démarche actuelle de la Fed n’a pas de lien avec le concept de constructive ambiguity :

- Les banques centrales ont recours au concept d’ambiguïté constructive dans des circonstances particulières, dans lesquelles il est à leur avantage de garder un certain flou sur certains paramètres de leurs actions à venir. Par exemple, il peut être avantageux pour une banque centrale de ne pas révéler (ex ante) quel budget elle entend allouer à une intervention sur le marché des changes (ou un autre marché qu’elle considère dysfonctionnel) : l’incertitude sur les "munitions" de la banque centrale complique les stratégies antagonistes des participants de marché et peut ainsi renforcer l’efficacité de l’intervention de la banque centrale (conduisant ainsi à une moindre consommation de ses munitions).

- Actuellement, la Fed est au contraire (i) transparente sur l’objectif de ses injections de liquidité et (ii) dans une démarche réactive plutôt que proactive.

FOMC statement, Implementation note, 11 décembre 2019 a écrit :

Effective December 12, 2019, the Federal Open Market Committee directs the Desk to undertake open market operations as necessary to maintain the federal funds rate in a target range of 1-1/2 to 1-3/4 percent. In light of recent and expected increases in the Federal Reserve’s non-reserve liabilities, the Committee directs the Desk to continue purchasing Treasury bills at least into the second quarter of 2020 to maintain over time ample reserve balances at or above the level that prevailed in early September 2019. The Committee also directs the Desk to continue conducting term and overnight repurchase agreement operations at least through January 2020 to ensure that the supply of reserves remains ample even during periods of sharp increases in non-reserve liabilities, and to mitigate the risk of money market pressures that could adversely affect policy implementation. In addition, the Committee directs the Desk to conduct overnight reverse repurchase operations (and reverse repurchase operations with maturities of more than one day when necessary to accommodate weekend, holiday, or similar trading conventions) at an offering rate of 1.45 percent, in amounts limited only by the value of Treasury securities held outright in the System Open Market Account that are available for such operations and by a per-counterparty limit of $30 billion per day.

Le communiqué de la Fed apporte donc une transparence totale sur (i) le calendrier des interventions, (ii) leurs objectifs et (iii) les montants engagés. S’agissant de cette question cruciale des "munitions", les montants que la Fed est prête à engager, on voit clairement que la Fed est dans une approche réactive : il n’y a pas de limite quantitative aux interventions - la Fed interviendra autant que nécessaire pour atteindre les objectifs explicités dans le communiqué.

Dans ce genre de situation, la transparence (et non l’incertitude) est à l’avantage de la banque centrale : la Fed communique aux participants de marché (en particulier aux banques) qu’elle interviendra autant que nécessaire pour assurer un bon fonctionnement du marché monétaire - donc une bonne transmission de sa politique monétaire. Cette certitude "ancre" les anticipations des participants de marché sur une relative stabilité des taux sur le marché monétaire - ce qui devrait a priori permettre de réduire le montant d’intervention de la Fed.

La banque centrale doit savoir identifier les situations dans lesquelles la transparence ou bien l’ambiguïté est à son avantage, et ajuster sa communication en conséquence. Quand on parle d’ambiguïté constructive (un concept davantage utilisé par la BCE que par la Fed), il s’agit d’un concept ex ante (avant ou pendant l’intervention) ; ex post la banque centrale, institution publique sous contrôle démocratique, doit être transparente. La règle est donc la transparence, sauf exception justifiée par le mandat et les objectifs de la banque centrale.

2) Oui, le parallèle avec les actions de la Fed pour le passage à l’an 2000 a une certaine pertinence.

Dans les 2 cas, la Fed est confrontée à une incertitude sur les besoins de liquidité de précaution des banques :

- En 2000, on pouvait penser que les banques, face à des incertitudes sur l’effet du passage à l’an 2000 sur leurs systèmes informatiques, pouvaient avoir une préférence plus marquée que d’habitude pour une gestion conservatrice de leur liquidité = la constitution de réserves de précaution.

- Actuellement, il semble que les effets d’hystérèse (permanents) de la grande crise de 2008-2009 et le nouvel environnement réglementaire (Liquidity Coverage Ratio etc.) aient considérablement augmenté les besoins de liquidité de précaution des banques américaines, par rapport à la situation pré-2007. Il y a manifestement une certaine incertitude sur le volume de ce besoin de liquidité de précaution : quand le portefeuille de QE de la Fed, par la maturité naturelle de ses obligations et MBS, réduit la liquidité globale du système bancaire US en-dessous d’un certain niveau, les taux sur le marché monétaire s’envolent.

La Fed (selon ma compréhension) est actuellement dans une démarche d’évaluation de la nouvelle fonction de réaction du marché monétaire US = l’évolution des taux du marché monétaire selon la liquidité excédentaire globale. Cette fonction est particulièrement complexe et constamment changeante. Ce n’est pas un exercice facile pour des marchés développés avec des systèmes bancaires complexes comme les USA, où l’on considérait avant crise qu’il n’y avait pas besoin de réserves de précaution car le marché monétaire fonctionnait parfaitement.

Pour info, ce genre de travail est beaucoup plus habituel dans des marchés émergents (comme ceux où je travaille), où chaque banque cible un certain niveau de liquidités de précaution : j’aide les banques centrales à évaluer ces besoins individuels de liquidités de précaution (je discute avec l’ensemble des trésoriers de la place), et nous en tenons compte dans la gestion de la liquidité. C’est maintenant un travail que les banques centrales dans les pays développés comme aux USA ou en Europe doivent aussi faire.

A nouveau, il est à mon avis vain de croire que les interventions de la Fed sont dues à des problèmes du côté des emprunteurs. La clef se situe du côté des prêteurs, qui pour diverses raisons (notamment réglementaires, réputationnelles etc.), ont une gestion de la liquidité beaucoup plus conservatrice qu’avant crise.

On peut faire le parallèle avec des particuliers qui voudraient garder plus ou moins de liquidités de précaution : ce besoin de liquidité de précaution est très différent selon les individus, et peut changer au cours du temps ; c’est la même chose pour les banques.

Dernière modification par Scipion8 (25/12/2019 18h27)

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#82 26/01/2020 21h32

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Je ne sais si c’ est le bon endroit mais comme ca parle de Lagarde, je le mets ici.
La grande remise à zéro du système est officiellement admise. Elle aura lieu. Et va vous ruiner !

Assez impressionnant comme édito sensationnaliste!


"We judge a book by its cover ; And read what we want ; Between selected lines"

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#83 26/01/2020 22h21

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Bonsoir Lemouz,

L’article date de 2014, à l’époque où Lagarde était au FMI.
Ce type d’article est le fond de commerce de M. Sannat …

… à moins qu’il ne s’agissait d’un sarcasme de votre part ?
(pas facile à discerner à l’écrit … )

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#84 26/01/2020 23h33

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En effet c’était le cas.
Désolé d’avoir laissé planer le doute.

Dernière modification par lemouz (26/01/2020 23h34)


"We judge a book by its cover ; And read what we want ; Between selected lines"

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#85 03/02/2020 14h08

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ENTJ

Un article intéressant sur la politique monétaires de la BCE et les problèmes particuliers que cela pose en zone Euro:
Taux d?intérêt : ?l?action de la BCE peut difficilement convenir à tous les pays de l?euro? - Capital.fr


u/HJP

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#86 09/03/2020 18h58

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Noyée dans la file du coronavirus, le lancement de "l’helicopter money" (remarqué par Mi345) à Hong Kong me semble mériter un message dans cette file spécialisée.

Mi345 a écrit :

HK utilise le helicopter money.(1)
10.000HK$ = 1160€ est donné à chaque citoyen agé de plus de 18 ans.

Un article en français (je n’en ai quasiment pas trouvé) : En récession, Hong Kong distribue 1180 euros par personne pour stimuler son économie

Au contraire de ceux qui dans la file "krach" pense que les banques centrales ont épuisé toutes leurs munitions, il me semble que des outils puissants restent à leur disposition comme le QE ou "l’helicopter money" pour combattre la récession et la déflation. Par contre, la chute des cours du pétrole ne va pas aider à combattre la déflation…

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#87 26/03/2020 20h26

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Scipion8 a écrit :

la BCE ne souhaite pas détenir plus de 33% de l’encours d’une obligation souveraine de la zone euro,

Il s’agit de ce que Scipion8 disait dans ce message.
Manifestement, ce verrou des 33% est en train de sauter, voir ici.

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[+1]    #88 26/03/2020 22h12

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j’ai posté dans la file crack, mais cela a plus sa place ici :

La FED annonce lundi 23/03 acheter des ETF obligataires IG (1)

La BOJ possède plus de 5% du nikkei et va augmenter sa participation (2)

La BCE n’est plus limité à 33% des nouvelles émissions de dettes souveraines. (3) et supra

Vu ces décisions, j’ai un flash back de la world compagny : (4)

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Favoris 1   [+12]    #89 06/05/2020 09h51

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Hier la Cour constitutionnelle allemande a pris une décision lourde de sens, et dont la portée est à mon avis très largement sous-estimée par les marchés :

- la Cour de Karlsruhe a, pour la première fois, rejeté un arrêt de la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) validant la légalité du programme d’achats d’obligations souveraines (PSPP, Public Securities Purchase Programme) de la BCE en décembre 2018

- la Cour de Karlsruhe ne permet à la Bundesbank de continuer à participer au PSPP que si, dans les 3 mois, la BCE fournit une justification de la proportionnalité du PSPP aux objectifs de stabilité monétaire de la BCE

- pour justifier ce jugement, la Cour mentionne notamment le fait que le QE de la BCE a des effets "économiques et sociaux" allant bien au-delà de la stricte question de la stabilité des prix (le mandat de la BCE)

[La presse économique française ne comprend pas grand’ chose à ces sujets, comme d’habitude. Je conseille aux germanophones de remonter à la source de la presse allemande, évidemment beaucoup plus précise, par exemple ici. Pour les anglophones, ce résumé du FT me semble correct.]

Ce jugement a potentiellement des implications très lourdes sur les plans juridique, politique et économique - avec des effets à moyen terme importants pour nous autres investisseurs.

1) Sur le plan juridique : (je précise que je ne suis pas juriste donc ces points sont à prendre avec des pincettes, même si j’ai participé à la défense réussie de la BCE d’un autre programme d’achat d’obligations souveraines de la BCE, les OMT (Outright Monetary Transactions) en 2013-2014, devant la Cour de Karlsruhe puis la CJUE)

La décision de la Cour de Karlsruhe pose 2 problèmes de fond sur le plan juridique :

a) elle remet en question la primauté du droit européen et des décisions de la CJUE, pour la première fois en Allemagne : évidemment, la réaction immédiate de la Commission européenne et de la BCE (ci-dessous) a été de rappeler la primauté de la CJUE, seule cour compétente pour juger de la légalité ou non des mesures de la BCE. La critique exprimée par la Cour de Karlsruhe à l’encontre du jugement prononcé par la CJUE en décembre 2018, validant le PSPP, est virulente et franchement surprenante : elle remet en cause le caractère impartial de l’analyse de la CJUE.

b) la Cour de Karlsruhe donne une injonction claire à la BCE (on pourrait presque parler d’ultimatum ou de chantage) : la BCE doit fournir une justification de la "proportionnalité" du PSPP (qui a pourtant été largement expliqué par Draghi puis par Lagarde, sans parler de la multitude de discours et analyses fournis par la BCE sur le sujet), sinon la Bundesbank ne pourra plus y participer. Si chacune des cours constitutionnelles des 19 pays de la zone euro faisait la même chose - donner des injonctions à une institution européenne et faire du chantage - où irait-on ? La BCE n’a pas (encore) soulevé cet argument juridique, mais à mon avis (de non-juriste), l’Article 130 du Traité sur le fonctionnement de l’UE empêche la BCE ainsi que la Bundesbank de donner suite à l’injonction de la Cour de Karlsruhe, pas plus qu’à une injonction de tout autre organisme ou de tout gouvernement de la zone euro. Seule la CJUE peut se prononcer sur la légalité des mesures de la BCE.

Article 130 du Traité de fonctionnement de l’Union européenne a écrit :

Dans l’exercice des pouvoirs et dans l’accomplissement des missions et des devoirs qui leur ont été conférés par les traités et les statuts du SEBC et de la BCE, ni la Banque centrale européenne, ni une banque centrale nationale, ni un membre quelconque de leurs organes de décision ne peuvent solliciter ni accepter des instructions des institutions, organes ou organismes de l’Union, des gouvernements des États membres ou de tout autre organisme. Les institutions, organes ou organismes de l’Union ainsi que les gouvernements des États membres s’engagent à respecter ce principe et à ne pas chercher à influencer les membres des organes de décision de la Banque centrale européenne ou des banques centrales nationales dans l’accomplissement de leurs missions.

De façon ironique, alors que la Cour de Karlsruhe s’inquiète d’une menace sur l’indépendance de la BCE du fait d’un risque de détournement de sa politique monétaire par les gouvernements des pays endettés, c’est elle qui fait aujourd’hui peser la menace la plus grave sur cette indépendance, en osant donner des injonctions à la BCE au mépris du droit européen…

2) Sur le plan politique : la décision de la Cour de Karlsruhe pose plusieurs problèmes politiques majeurs :

a) L’Allemagne souhaite-t-elle continuer à faire partie de l’UE ou non ? Il ne s’agit pas simplement de la zone euro et de la BCE : le fait que la Cour de Karlsruhe, pour la première fois, rejette un arrêt de la CJUE remet en cause la hiérarchie des normes, et, fondamentalement, l’acceptation par l’Allemagne des normes communes inscrites dans les Traités européens. A nouveau : si chaque Etat de l’UE se permettait ce genre de fantaisies, on pourrait mettre une date de péremption assez rapprochée sur l’UE (et a fortiori l’euro). Ayant vécu 10 ans en Allemagne, j’ai pu sentir beaucoup de mes collègues allemands et, plus largement, l’opinion publique allemande, partagée entre (i) un sentiment européen fort et profond et (ii) l’atavisme allemand (pour dire les choses simplement : "on est les meilleurs, on est uniques, les autres ne sont pas sérieux, on ne peut pas leur faire confiance" - chose que très peu d’Allemands diraient ouvertement, mais que beaucoup, voire la plupart, ressentent). J’ai écouté attentivement la réaction de Berlin (le Ministre des Finances Olaf Scholz) à la décision de la Cour de Karlsruhe : clairement il est en mode "damage control", en insistant sur tout ce qui peut limiter la portée et les dégâts de cette décision : le fait que la décision ne concerne que le PSPP et non pas le nouveau PEPP (Pandemic Emergency Purchase Programme, PEPP) de la BCE, le fait que pendant les 3 prochains mois la BCE/la Bundesbank devraient pouvoir trouver une solution etc., mais à mon avis Berlin/Merkel doit être très embêtée par cette décision (à moins qu’il ne s’agisse d’un plan machiavélique pour faire pression sur les partenaires européens, mais connaissant l’indépendance de la Cour de Karlsruhe vis-à-vis de la Chancellerie, je n’y crois pas du tout). En tout cas, il va bien falloir que le peuple allemand finisse par trancher clairement entre son sentiment européen (sincère) et son égoïsme atavique.

b) S’oriente-t-on vers une Europe "à la carte" ? La décision de la Cour de Karlsruhe marque peut-être le début d’une évolution vers une Europe à la carte, où les cours constitutionnelles nationales feraient le "tri" dans les décisions des institutions européennes et dans les arrêts de la CJUE, pour décider ce qui peut être appliqué ou non au niveau de chaque pays. Evidemment, ce serait en contradiction profonde avec l’ambition européenne initiale, mais si c’est la volonté démocratique, alors c’est une évolution à envisager peut-être. Perso, je pense que cela sonnerait le glas de l’UE, à plus ou moins long-terme. En tout cas, sur le plan de la monnaie (un sujet sérieux), on ne peut pas se permettre ce genre de fantaisies, qui condamnerait la crédibilité et l’efficacité de la banque centrale, donc la stabilité de sa monnaie.

c) La forme de la solidarité européenne doit-elle être monétaire ou budgétaire ? Si jamais, en raison de cette décision de la Cour de Karlsruhe, l’efficacité de la politique monétaire de la BCE était compromise, alors il faudrait sans doute (si l’on veut continuer à réfléchir comme Européens et non selon les égoïsmes nationaux) renforcer les mécanismes budgétaires de solidarité, comme les Corona-bonds actuellement en discussion… et fortement rejetés par Berlin. Là encore, la Cour de Karlsruhe a joliment savonné la planche de Merkel, au pire moment.

3) Sur le plan économique :

a) Le fait que la BCE ait réagi très rapidement à la décision de la Cour de Karlsruhe, en convoquant en urgence (le jour même, hier à 18h) une réunion du Conseil des Gouverneurs, démontre à mon sens à la fois l’importance que la BCE accorde à cet événement, et aussi le fait que la BCE a été probablement très surprise (comme moi) de cette décision très éloignée du respect habituel de la Cour de Karlsruhe pour le droit européen.

Le communiqué de la BCE reflète bien la seule réaction possible : la BCE respecte son mandat et agit sous le contrôle juridique de la seule CJUE :

BCE (5 mai 2020) a écrit :

The Governing Council received a preliminary briefing by the governor of the Bundesbank and by the legal department of the European Central Bank (ECB). The ECB takes note of today’s judgment by the German Federal Constitutional Court regarding the Public Sector Purchase Programme (PSPP).

The Governing Council remains fully committed to doing everything necessary within its mandate to ensure that inflation rises to levels consistent with its medium-term aim and that the monetary policy action taken in pursuit of the objective of maintaining price stability is transmitted to all parts of the economy and to all jurisdictions of the euro area.

The Court of Justice of the European Union ruled in December 2018 that the ECB is acting within its price stability mandate.

b) A mon sens, la BCE ne peut accepter l’injonction de la Cour de Karlsruhe : ce serait une violation de son mandat (Article 130 du Traité). Accepter une telle injonction en violation du droit européen, et même simplement fournir des explications complémentaires sur le QE (ce pour quoi la BCE a évidemment toute l’expertise nécessaire), créerait un précédent encourageant de futures atteintes à l’indépendance de la BCE par des autorités nationales. Si mon analyse juridique/politique est correcte, il y a donc un risque non négligeable que la BCE ne prenne aucune mesure, ne fasse aucune autre communication, sur ce sujet, dans les 3 prochains mois. La Bundesbank serait alors dans la situation très inconfortable de (i) devoir "désobéir" à sa Cour constitutionnelle (peut-être en s’abritant elle aussi derrière l’Article 130 ?) (Scénario 1) ou (ii) "trahir" son appartenance à l’Eurosystème et considérablement gêner son gouvernement (Scénario 2). Dans les 2 cas, ce serait très perturbant pour la zone euro.

c) Un scénario plus raisonnable (Scénario 3), sur lequel semble vouloir s’orienter Jens Weidmann, Président de la Bundesbank, serait de renforcer la "marge de sécurité" du QE de la BCE vis-à-vis d’un risque de violation de l’interdiction du financement monétaire des Etats (Article 123 du Traité). Il pourrait s’agir par exemple de définir plus strictement les conditions d’activation du QE, de restaurer la limite (récemment suspendue par la BCE) de 33% de détention d’une obligation souveraine, voire d’inclure une conditionnalité sur la politique budgétaire dans le cadre du QE (à l’image de ce qui est fait pour un autre programme de la BCE, les OMT). En ce sens, la décision de la Cour de Karlsruhe pourrait renforcer la position de la Bundesbank dans ses discussions très difficiles avec ses partenaires de l’Eurosystème, sur la définition du QE. Mais dans tous les cas, cela limiterait l’efficacité du QE de la BCE, déjà bien contrainte par rapport à celui de la Fed.

d) Un autre scénario serait celui du "jeu du chat et de la souris" (Scénario 4), entre la BCE et la Cour Constitutionnelle allemande - un scénario que semble privilégier Berlin : si Karlsruhe veut contraindre le PSPP, pas de problème, la BCE peut arrêter le PSPP et renforcer le PEPP. Et si la Cour de Karlsruhe est saisie sur le PEPP, et bien le jour venu la BCE pourrait lancer un autre programme… Franchement cela ne serait pas très sérieux, mais à idiot, idiot et demi… En tout cas cela créerait une perturbation néfaste à l’efficacité de la BCE.

Conclusions pour l’investisseur :

a) Les prochaines semaines devraient donner des indications sur le scénario qui va se matérialiser finalement. Perso, mes probabilités pour ces différents scénarios seraient :
- 5% pour le Scénario 1 : j’ai du mal à envisager que la Bundesbank puisse désobéir à la Cour de Karlsruhe
- 30% pour le Scénario 2 : une évolution vers une Europe à la carte, une fragilisation majeure de tout l’édifice européen
- 50% pour le Scénario 3 : pas de gros clash mais une diminution de la puissance de feu, donc de l’efficacité de la BCE… qui laisserait par ailleurs des traces dans les relations entre l’Allemagne et ses partenaires
- 15% pour le Scénario 4 : on se lancerait dans des années d’arguties technico-juridiques : très sous-optimal à mon sens, mais finalement assez conforme à la tradition européenne

b) Aucun de ces scénarios n’est souhaitable : tous auront des effets néfastes sur l’économie européenne - mais beaucoup plus marqués pour le Scénario 2 que pour les Scénarios 3 et 4. La simple possibilité du Scénario 2 justifie à mon sens un arrêt pur et simple de mes investissements dans la zone euro, car ce scénario pourrait être le début d’un éclatement de la zone euro et de l’UE. Par conséquent je vais désormais orienter tous mes flux d’épargne vers les USA et les pays émergents (ce que je devais faire de toute façon pour rééquilibrer mon portefeuille). Si le Scénario 2 se concrétise, je réfléchirai à une liquidation partielle de mes portefeuilles français et européen - c’est juste un risque inacceptable pour un investisseur, alors que des opportunités de croissance plus grande existent ailleurs.

c) L’effet sur le cours de change de l’euro est ambigu : le Scénario 3 pourrait conduire à une appréciation de l’euro, car la limitation de la puissance de feu de la BCE alors que la Fed n’a pas de contrainte sur son QE pourrait conduire à une dépréciation du dollar face à l’euro. En revanche, le Scénario 2 pourrait être très défavorable à l’euro.

Désolé pour le pavé, mais à mon avis, on va entendre parler de cette histoire ces prochains mois, et cela pourrait avoir un gros impact de marché même si cela n’a pas été le cas hier (à tort, à mon avis).

Dernière modification par Scipion8 (06/05/2020 10h00)

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#90 06/05/2020 10h41

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Je vous remercie pour cette analyse très précise ( comme d’habitude).
Mais le plus important me semble être le (c) du paragraphe 2 :c) La forme de la solidarité européenne doit-elle être monétaire ou budgétaire ?
C’est le nœud de la question que l’on n’a jamais voulu aborder pour la simple raison que les promoteurs de l’UE voudraient qu’elle soit budgétaire, ce qui signifierait une Europe plus intégrée alors que les peuples Européens n’y sont pas favorables.
En 2010, lors du mémorandum Grec,puis en 2012 j’avais été invité par des amis, membres de  Syriza à venir constater de visu la situation sur le terrain, j’étais en quelque sorte de l’autre coté de la barrière :-)
Quelques 10 ans plus tard, on va se retrouver dans la même situation avec la France et l’Italie.
En France, Macron y verra l’occasion de créer un super ministère Européen de l’économie, ce qui était son objectif, en donnant ainsi un gage à l’Allemagne.
Bien sur, il y aura des opposants, mais d’état d’urgence en état d’urgence, avec suffisamment de propagande et de mesures d’intimidation, l’UE devrait parvenir à s’imposer.
Après, je suis d’accord avec vous, il est prudent de mettre ses billes ailleurs.

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#91 09/05/2020 22h40

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Je ne suis pas spécialiste et encore moins germanophone…

Sur le plan juridique, juste en appliquant le principe de hiérarchie des normes, je ne vois pas comment une cour (allemande ou autre) puisse venir retoquer la juridiction supérieure (cour européenne).

Sans avoir lu les textes allemands, mais avec mon esprit roublard (mon interprétation) :
Je suppose que cette cour allemande attaque "uniquement" la banque centrale allemande sur sa propre juridiction. Du genre "pourquoi vous participez à quelque chose contre votremandat ?" "justifiez nous votre intervention !"

Sur la forme, des allemands interrogeraient des allemands (la cour allemande demande à la banque centrale allemande de se justifier). Mais sur le fond, la BCE aura a se justifier pour aider la banque centrale allemande à tenir bon et à participer.

C’est quand même surprenant que cette cour allemande aille sur ce terrain la.

On peut interpréter ça différemment : torpillage volontaire de l’action de la BCE (lecture au second degré), juristes allemands bien zelés à fliquer leur banque centrale (et se justifier - lecture au premier degré)…

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#92 09/05/2020 23h34

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Justement non

wikipédia a écrit :

So lange
Le Tribunal est notamment connu à l’étranger pour sa jurisprudence So lange. Dans la décision So lange I de 1974, il se réserve le droit d’écarter une norme de droit européen pour cause de violation des droits fondamentaux aussi longtemps que (en allemand solange) le droit européen ne garantit pas une protection globale des droits fondamentaux de la personne équivalente – mais pas nécessairement identique en tout point à celle de la loi fondamentale allemande. À la suite des progrès de la jurisprudence européenne en matière de droits fondamentaux, la cour a ensuite accepté dans sa décision So lange II de 1986 qu’elle ne peut plus contrôler les normes européennes par rapport aux droits fondamentaux allemands aussi longtemps que le droit européen offre une protection des droits fondamentaux globalement équivalente à celle de la loi fondamentale allemande.

Ces décisions lui permettent d’accepter en principe la suprématie du droit européen tout en conservant en pratique la possibilité d’écarter toute règle contrevenant aux dispositions les plus importantes du droit constitutionnel allemand. Comme la plupart des cours constitutionnelles européennes, le Tribunal constitutionnel fédéral ne se plie donc pas totalement à la vision de la Cour de justice des Communautés européennes qui affirme la supériorité des normes communautaires sur les normes nationales, fussent-elles de nature constitutionnelle


I create nothing, I own. -Gordon Gecko

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[+1]    #93 10/05/2020 22h04

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Sur le même sujet, une lecture juridique,quelque peu teintée d’idéologie toutefois, de l’arrêt pris par la cour de Karlsruhe par Philippe Prigent, avocat au barreau de Paris : Cour constitutionnelle de Karlsruhe : Deutschland über alles ? - Vu du Droit

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#94 11/05/2020 10h46

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INTJ

Bonjour,

Réplique de la CE, ou quand l’entente cordiale règne en UE:

https://www.capital.fr/economie-politiq … ne-1369606

On n’avait pas vraiment besoin de ça en ce moment…

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#95 11/05/2020 23h19

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J’ai du mal à voir pourquoi et auprès de quelle juridiction la commission Européenne pourrait poursuive l’Allemagne en justice …

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#96 12/05/2020 00h45

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C’est juste noté 5 fois dans l’article que vous n’avez donc pas dû lire…

La Cour de justice de l’UE.

Pour le pourquoi, il faudrait aussi prendre la peine de lire l’article…


"Never argue with an idiot. They will drag you down to their level and beat you with experience" Mark Twain

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#97 12/05/2020 17h14

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Scipion8, le 06/05/2020 a écrit :

2) Sur le plan politique : la décision de la Cour de Karlsruhe pose plusieurs problèmes politiques majeurs :

C’est l’intervention de la BCE qui pose une question politique et non la cour allemande. On a une BCE qui, par ses rachats de dettes massifs impose aux états la mutualisation des dettes de facto.

Mme Merckel a tranché. La BCE doit s’expliquer sur sa politique.

Aujourd’hui, on sait très bien que l’Italie (et bientôt d’autre) ne peut pas respecter le pacte de satbilité et pour ma part je considère que la position est intenable. La banque centrale allemande ne va pas acheter de la dette italienne faute de dette allemande ainsi de junk bond des banques italiennes alors c’est la ligne rouge allemande.

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#98 12/05/2020 17h39

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Il me semble que deux points techniques sont oubliés ou volontairement passés sous silence:
- les titres de dette sont acquis par chaque banque centrale pour le compte de la BCE; si la Buba ne participe plus, cela limitera simplement les achats de bunds, la banque d’Italie (et les autres) poursuivant l’acquisition de la dette nationale…
- l’impact de Target dans les opérations d’achat de dette par les banques centrales: si la banque d’Italie achète la dette italienne auprès d’un opérateur non-italien (un fond anglais ou luxembourgeois par exemple), il y a une forte probabilité que cela soit compensé à Francfort créant ainsi une balance Target dans les écritures de la Buba, c’est à dire une créance sur la banque d’Italie. Le phénomène est tel qu’il perturbe fortement la lecture des balances Target. So fun et quel coût pour l’Allemagne en cas de sortie…

Naturellement, il y a après une vraie question politique si une telle situation se mettait en place.

J’ai un peu le sentiment que la Cour de Karlsruhe s’est pris les pieds dans le tapis en passant lancer une mise en garde sans conséquence alors qu’elle est inacceptable, et que cela résulte du défaut de vrais débats en son sein du fait de la distanciation.

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#99 12/05/2020 18h02

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@Alexsince1978 :

1) Ce n’est pas "Mme Merkel" (ni l’Allemagne, que Mme Merkel représente) qui s’est exprimée le 5 mai, mais la Cour constitutionnelle allemande, qui est entièrement indépendante du pouvoir exécutif. Les réactions des alliés politiques de Mme Merkel (son ministre des Finances Olaf Scholz essayant manifestement de trouver une voie de compromis, le président du Bundestag Wolfgang Schäuble disant que le jugement de la cour de Karlsruhe met en danger l’euro, la présidente allemande de la Commission Ursula von der Leyen envisageant une procédure de sanction contre l’Allemagne etc.) suggèrent plutôt que Mme Merkel et ceux qui représentent démocratiquement l’Allemagne sont plutôt embarrassés par la décision bizarre d’un juge de la Cour de Karlsruhe (d’ailleurs c’était son dernier jugement, il est parti à la retraite en mode "après moi le déluge").

C’est un problème juridique et (surtout, à mon avis) politique allemand, qui devrait être résolu politiquement et démocratiquement (dans les urnes) par l’Allemagne. L’Allemagne souhaite-t-elle ou non rester dans l’UE, garder l’euro ? C’est un choix binaire. On ne peut pas rester dans l’UE, ni dans la zone euro, sans accepter les règles communes, comme l’autorité supérieure de la Cour de justice de l’UE en matière de droit européen, ou l’indépendance de la BCE.

2) On comprendra aisément qu’on ne peut pas donner à des autorités nationales multiples le droit de trancher en dernier ressort sur des sujets de droit européen : qu’arriverait-il alors en cas d’avis divergents de différentes autorités nationales ?

On comprendra aussi qu’aucun pays de l’UE - l’Allemagne pas plus qu’un autre - ne saurait s’arroger un pouvoir exceptionnel en ce domaine. Si la BCE ou une autre institution européenne commençait à s’attarder sur les élucubrations approximatives d’un juge constitutionnel allemand en pré-retraite, alors il lui faudrait aussi être attentive aux conseils de la cour constitutionnelle chypriote, aux suggestions du premier ministre maltais, ou aux pensées du secrétaire d’Etat finlandais aux saunas. Si l’on veut une Europe efficace, ce n’est évidemment pas possible.

3) Le QE de la BCE est justifié par la menace très claire d’une déflation dans la zone euro : l’inflation, et surtout les anticipations d’inflation à moyen terme, sont très basses, très éloignées de l’objectif de stabilité des prix de la BCE (une inflation inférieure à, mais proche de, 2% / an).

La légalité des achats d’obligations souveraines par la BCE, sous certaines conditions très précises (achats uniquement sur le marché secondaire etc.) a été confirmée à 2 reprises par la CJUE, seule cour compétente sur ce sujet.

De ce point de vue, non seulement le QE de la BCE est parfaitement légal, mais une éventuelle inaction de la BCE, laissant libre cours à une déflation très destructrice pour l’économie européenne, serait illégale, puisqu’en contradiction avec le mandat confié démocratiquement par les peuples européens à la BCE : maintenir la stabilité des prix.

4) La monétisation de la dette publique n’est pas l’objectif du QE (son objectif est d’éviter une déflation), mais c’en est un effet secondaire. On peut légitimement penser que c’est mal. Ou que c’est bien - ça se discute.

Mais en tout cas, les conséquences d’une monétisation impossible de la dette publique devraient être claires pour les épargnants et contribuables français qui consultent ce forum. Il n’y a que 3 autres possibilités (je ne cite pas l’inflation, puisque difficile à envisager dans le contexte actuel et de toute façon contraire au mandat de la BCE au-dessus de 2%) :

a) une hausse massive des impôts

b) une baisse drastique des dépenses publiques - par exemple celles du système hospitalier

c) un défaut souverain, ruineux pour la grande majorité des épargnants français

Donc perso, comme épargnant et contribuable, mon choix est vite fait et je ne vois pas du tout la monétisation de la dette publique occasionnée par un QE prolongé comme la pire option, bien au contraire.

EDIT : @Bet : Effectivement, si la Bundesbank considère qu’elle n’obtient pas la justification demandée par Karlsruhe de la "proportionnalité" du PSPP (Public Securities Purchase Programme = la branche du QE correspondant aux achats d’obligations souveraines), alors elle devrait cesser ses achats d’obligations souveraines allemandes (les seules qu’elle achète au titre du PSPP), voire les vendre.

La Banca d’Italia pourrait effectivement continuer à acheter des obligations souveraines italiennes, la Banque de France des obligations souveraines françaises etc.

Néanmoins :

1) Toutes choses égales par ailleurs, l’injection de liquidité par le PSPP (ou PEPP, si le jugement de Karlsruhe lui est aussi appliqué) serait réduite de la part de la Bundesbank au capital de la BCE (26%) : une réduction significative de la puissance de feu de la BCE, donc de l’efficacité de son QE.

2) Si la Bundesbank devait vendre, elle absorberait une partie importante de la liquidité injectée simultanément par le reste de l’Eurosystème - accroissant ainsi la menace de déflation (quelle absurdité !).

3) Surtout, la remontée probable des rendements obligataires souverains allemands qui en résulterait causerait une augmentation au moins proportionnelle des rendements souverains italiens, espagnols etc. (car les obligations souveraines des autres pays sont généralement pricées sur la base des rendements allemands + une prime de risque).

4) La décision de la cour de Karlsruhe pourrait ainsi potentiellement compliquer l’accès au marché des pays de la zone euro les plus fragiles, avec comme conséquence possible de nouveaux programmes de soutien UE/FMI largement financés par… les contribuables allemands !

Manifestement tout cela a échappé aux juges de Karlsruhe, dont la compréhension économique a été très critiquée ces derniers jours. Cf. le fil Twitter de l’ancien Vice-Président de la BCE, Vitor Constancio, qui s’exprime de façon assez franche sur le sujet (alors que c’est plutôt un discret en général).

Dernière modification par Scipion8 (12/05/2020 18h21)

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#100 12/05/2020 18h13

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Madame Merkel a quand même déclaré que la situation pouvait être résolue "si la BCE explique ce programme" (Merkel juge que le différend BCE-Allemagne peut être réglé).
Un léger double jeu peut être, pas mécontente de l’aide que la décision de la cour constitutionnelle allemande fera peser sur les futures demandes supplémentaires de QE ou de mutualisation.

Dernière modification par jardinier (12/05/2020 18h16)

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