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[+3]    #1 10/02/2018 11h49

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Reprise de messages de la file "encore un krach sur les marchés actions"

Scipion8 a écrit :

Quelques réflexions :

1) Le mandat d’une banque centrale c’est la stabilité des prix, pas les plus-values des actionnaires. Quand la Fed, la BoJ ou la BCE achètent des actifs, c’est pour empêcher une déflation (la pire situation du point de vue de la politique économique), pas pour faire gonfler les marchés boursiers (ça, c’est un effet secondaire, pas forcément voulu).

2) Quand une banque centrale achète des actifs, il s’agit en général d’actifs peu risqués. C’est notamment le cas pour la BCE, qui est contrainte par son statut dans les actifs qu’elle peut acheter. Le programme d’achats quantitatifs de la BCE repose en premier lieu sur des obligations souveraines, par exemple celles émises par l’Allemagne : croit-on sérieusement qu’il y a un risque de défaut, même à long terme, pour l’Allemagne ? Vraiment, il faut arrêter de penser qu’une banque centrale intervient sur les marchés obligataires pour sauver des émetteurs proches du défaut. Ce n’est absolument pas l’objet, et c’est généralement interdit par le mandat de la banque centrale : le QE vise à injecter de force de la liquidité dans le système quand la politique monétaire "conventionnelle" ne suffit plus (par exemple parce que le taux directeur a atteint son plancher).

3) Les banques centrales observent les corrections boursières avec une grande placidité - voire avec satisfaction lorsqu’elles surviennent après une longue période de surchauffe, comme c’est le cas pour la correction en cours. Outre la stabilité des prix, les banques centrales ont pour mandat de maintenir la stabilité financière. Ce qui met en péril la stabilité financière, ce n’est pas une correction boursière, même violente, c’est au contraire la prise de risques excessive, notamment quand elle concerne les banques. Une correction boursière réduit ce danger, et est donc généralement bienvenue tant que ses effets macroéconomiques et bancaires sont limités.

4) A priori la correction boursière en cours ne met en péril ni le financement des Etats, ni la solvabilité des banques, ni la bonne conjoncture économique. On ne voit pas de montée brutale des rendements obligataires souverains, des primes de risque (CDS) sur les banques, ni d’anticipation d’une récession - jusqu’à preuve du contraire. Il faut vraiment dédramatiser cette correction boursière - rien avec voir avec la crise carabinée de 2007-2012, qui mettait en danger le coeur du "système" = les Etats et les banques, étroitement liés.

5) Beaucoup de petits porteurs ont une asymétrie assez incroyable dans leurs réactions aux phases de surchauffe et aux phases de correction. Beaucoup trouvent tout à fait normal de faire sans effort des performances de +15%, +20%, +30%, par an, année après année, ou d’observer des PER moyens de 25-30 - totalement décalés par rapport aux moyennes de très long terme. Le marché boursier ne fait que refléter l’économie réelle : il est évident que tôt ou tard, de tels rythmes de croissance des marchés boursiers, maintenus sur longue période (c’est particulièrement net aux USA), sont insoutenables et rendent inévitables (et nécessaires !) des corrections brutales. Il est vraiment bizarre pour moi de se plaindre quand ça arrive et d’espérer que les banques centrales vont venir au secours du pauvre bourgeois ! (alors que ce n’est absolument pas leur mandat et qu’au contraire, elles se réjouissent de ces corrections)

Personnellement, je ne me réjouis pas de la quinzaine de k€ perdus sur mon portefeuille avec la correction en cours, mais je vois dans la correction une opportunité de renforcer mes valeurs préférées dans une perspective de (très) long terme, ce que je peux envisager avec beaucoup plus de sérénité avec un CAC à 5000 qu’à 5500.

Juillet a écrit :

1) Le mandat d’une banque centrale c’est la stabilité des prix, pas les plus-values des actionnaires. Quand la Fed, la BoJ ou la BCE achètent des actifs, c’est pour empêcher une déflation (la pire situation du point de vue de la politique économique), pas pour faire gonfler les marchés boursiers (ça, c’est un effet secondaire, pas forcément voulu).

2) Quand une banque centrale achète des actifs, il s’agit en général d’actifs peu risqués. C’est notamment le cas pour la BCE, qui est contrainte par son statut dans les actifs qu’elle peut acheter. Le programme d’achats quantitatifs de la BCE repose en premier lieu sur des obligations souveraines, par exemple celles émises par l’Allemagne : croit-on sérieusement qu’il y a un risque de défaut, même à long terme, pour l’Allemagne ? Vraiment, il faut arrêter de penser qu’une banque centrale intervient sur les marchés obligataires pour sauver des émetteurs proches du défaut. Ce n’est absolument pas l’objet, et c’est généralement interdit par le mandat de la banque centrale : le QE vise à injecter de force de la liquidité dans le système quand la politique monétaire "conventionnelle" ne suffit plus (par exemple parce que le taux directeur a atteint son plancher).

Quelques réflexions sur ces deux points.
Le mandat de la BCE, c’est théoriquement de maintenir une inflation autour du taux jugé "optimal" de 2% environ. Selon les institutions, vous rencontrez d’autres impératifs, comme le plein emploi pour la FED.
Concrètement on a pu constater depuis 2008 que la BCE s’était largement écartée de son mandat originel. La BCE a un rôle de prêteur en dernier ressort pour tous les pays du sud de la zone euro en difficulté financière.
La qualité  des actifs de contre partie auprès de la BCE a plusieurs fois été revu à la baisse. Cette dernière a ainsi fonctionné comme une "bad bank" à l’échelle de l’eurozone. Les rachats de dette souveraine sur le marché secondaire ont conduit la BCE a détenir de grosses proportions de dette souveraine italienne ou grecque, par exemple, donc des actifs extrêmement risqués.
La cible du programme de rachats d’actif n’est pas du tout l’Allemagne qui n’a aucun problème de refinancement. L’objectif était de faire baisser les taux souverains afin de permettre aux pays du sud de la zone de se refinancer. L’objectif a été largement atteint, mais reste conditionné à la poursuite du programme. Les taux devraient donc logiquement repartir à la hausse.

Les Banques centrales restent très attentives aux réactions de marché et au prix des actifs financiers, bien que cela ne figure pas explicitement dans leur mandat.
La BCE rachète des obligations corporate, cela ne fait pas partie de son mandat.
La BoJ est le plus gros détenteur d’ETF sur le Nikkei.
Il faut également noter l’effet secondaire des politiques de taux zéro qui ont permis aux grosses capitalisation de lancer des programmes de rachat d’action à bon compte qui ont gonflé les cours.

okavongo a écrit :

Scipion8 a écrit :

Quelques réflexions :

1) Le mandat d’une banque centrale c’est la stabilité des prix, pas les plus-values des actionnaires.
2) Quand une banque centrale achète des actifs, il s’agit en général d’actifs peu risqués.
3) Les banques centrales observent les corrections boursières avec une grande placidité - voire avec satisfaction lorsqu’elles surviennent après une longue période de surchauffe, comme c’est le cas pour la correction en cours.
4) A priori la correction boursière en cours ne met en péril ni le financement des Etats, ni la solvabilité des banques, ni la bonne conjoncture économique.

Concernant vos 2 premiers points, il ne me semble pas s’appliquer à la BOJ et à la BNS.
Sources :
BNS Actions
BOJ Actionnaire

Voilà donc au moins 2 banques centrales qui ne devraient pas être si placides en cas de correction de grande ampleur (pt 3). Quand à leur solidité, je n’ai pas vraiment d’avis même si elles me semblent tout à fait capables d’encaisser des pertes sur les marchés actions.

De toute façon, l’histoire récente a montré que les banques centrales sont prêtes à tout ou presque pour sauver les meubles, donc il n’’y a aucune raison que l’on ne continue pas comme cela. Autant en 2007-2008 on pouvait se poser des questions sur le niveau et la nature des interventions des banques centrales, autant aujourd’hui on peut-être rassuré. Enfin, à court-moyen terme en tout cas…

J’ai quand même du mal à comprendre l’intervention des banques centrales sur les marchés actions. Cela ressemble à de la manipulation et ne me semble pas très sain. Visiblement ça n’empêche pas les corrections mais ça peut quand même avoir une influence sur leur timing ou les niveaux de valorisation.

Scipion8 a écrit :

@Juillet, Okavongo : (je serai didactique à dessein, même sur des points que vous connaissez déjà, pour d’autres lecteurs moins informés)

- Sur le Quantitative Easing :

Dans la zone euro, aux USA, au Japon, la politique monétaire "conventionnelle" consiste à influencer, par les opérations de la banque centrale conduites au taux directeur (ou près du taux directeur), les taux à court terme sur le marché monétaire. Cela a un impact sur les coûts de financement des banques, donc sur leurs conditions de prêts, donc sur l’économie réelle, donc sur la stabilité des prix (le mandat d’une banque centrale) : c’est la transmission de la politique monétaire.

Parfois la politique monétaire conventionnelle ne fonctionne plus : pour assurer la stabilité des prix (et pas pour autre choses), la banque centrale doit alors engager une politique monétaire non-conventionnelle, reposant notamment sur des achats d’actifs. La définition et l’objectif de ces achats d’actifs dépendent de la nature du problème :

- Si la politique monétaire conventionnelle ne fonctionne plus parce qu’il y a un problème dans la "chaîne" de transmission (par exemple un marché clef qui ne fonctionne pas), la banque centrale peut essayer d’intervenir pour "réparer" la transmission, par exemple en achetant des actifs sur le marché dysfonctionnel. C’était le cas pour le programme OMT de la BCE (Outright Monetary Transactions, sur le marché obligataire souverain), en 2012.

- Si la politique monétaire conventionnelle ne fonctionne plus parce que le taux directeur a atteint son plancher (zero lower bound) et donc ne peut plus être baissé, la banque centrale achète des actifs pour (i) faire baisser les rendements à long terme par un afflux massif (et "forcé") de liquidité et (ii) créer un effet d’éviction des investisseurs sur des marchés "peu risqués" (par exemple obligations souveraines), et les "pousser" sur des actifs plus risqués (par exemple actions). Outre leur mandat qui limite généralement leur prise de risque, c’est bien pour cela que les achats des banques centrales sont concentrés sur des actifs peu risqués : on ne veut surtout pas créer un effet d’éviction des investisseurs privés sur des marchés risqués, alors que la prise de risque de ces investisseurs est déjà jugée insuffisante dans un scénario de déflation réelle ou menaçante. Le QE, c’est cela : il s’agit d’une démarche strictement quantitative (comme le nom l’indique), qui consiste à injecter de façon forcée et rapide des montants importants de liquidité nouvelle, pour empêcher une déflation, ou en sortir.

- Sur l’extrême difficulté de sortir d’une déflation :

Les banques centrales sont très bien outillées pour faire face à une inflation trop élevée : si elles sont suffisamment crédibles, il leur suffit d’augmenter (par leur taux directeur) le prix de la liquidité et/ou d’en restreindre le montant en circulation (plus difficile) pour vaincre l’inflation. C’est pourquoi je considère les craintes d’un scénario inflationniste aux USA (a fortiori en Europe) exagérées.

En revanche, une déflation est extrêmement difficile à vaincre pour une banque centrale : il s’agit d’anticipations généralisées qu’un montant X de devise pourra permettre d’acheter plus demain qu’aujourd’hui. La conséquence de ces anticipations, quand elles sont généralisées, c’est une paralysie de l’investissement et de la consommation - en bref de l’économie réelle. Les banques centrales n’ont pas de recette miracle face à ce scénario, car il s’agit de vaincre une psychologie qui s’ancre chaque jour davantage parmi les agents économiques, parce qu’elle est largement auto-réalisatrice !

En gros, les 2 mesures que les banques centrales peuvent tenter dans un tel scénario sont (i) le QE (encore plus massif que quand la déflation est "simplement" menaçante) et (ii) les taux négatifs (mais qui sont potentiellement dangereux, car ils peuvent conduire à de la thésaurisation massive en dehors du système bancaire).

La Banque du Japon a mis en place ces 2 mesures : il leur a fallu 20 ans pour vaincre la déflation (et encore, pas sûr que ce soit définitif), 20 ans pendant lesquels la croissance a été atone.

La conclusion que les autres banques centrales (BCE et Fed notamment) ont tirée de cette expérience japonaise, c’est que quand la déflation menace, il ne faut surtout pas attendre qu’elle s’installe : il faut lancer le QE rapidement et de façon massive, pour éliminer les anticipations de déflation. De ce point de vue, le QE Fed et BCE a clairement été un succès.

[Pour l’anecdote, quand l’institution européenne a commencé à travailler sur le QE, on m’a envoyé 3 semaines au Japon pour un stage à la Banque du Japon, car ils ont 15-20 ans d’avance sur tous les autres dans la lutte anti-déflation, donc une expérience opérationnelle incomparable.]

- Sur le fait que les banques centrales qui font du QE achètent parfois des actifs "risqués" :

Evidemment, quand une banque centrale achète massivement des actifs sur un marché donné, elle crée des distorsions énormes : c’est évident, et les banques centrales en sont bien conscientes. Parfois, ces "distorsions" sont "voulues" (par exemple faire baisser les rendements obligataires souverains, qui servent de benchmarks pour les banques et l’économie toute entière). Parfois, elles ne le sont pas.

Quand elle définit un programme de QE, une banque centrale commence par estimer le montant de liquidité à injecter, par une approche macroéconomique = le montant total d’actifs à acheter. Ensuite, la banque centrale répartit ce volume cible d’achats au cours du temps (généralement, on essaie d’être régulier, avec un volume mensuel  donné) et parmi les marchés "cibles".

Pour définir les volumes à acheter sur chaque marché cible, la banque centrale prend en compte : (i) la liquidité du marché, (ii) les distorsions que ses achats vont inévitablement créer, (iii) le lien entre le marché et l’économie réelle - par exemple via les "effets de richesse" : lorsque le prix d’un actif s’apprécie, les investisseurs dont le patrimoine s’étoffe vont avoir tendance à plus consommer et investir. S’agissant du marché actions, les effets de richesse sont beaucoup plus importants aux USA qu’en Europe, en raison de la plus grande popularité des marchés actions dans la population US.

La présence de la BoJ sur le marché actions japonais (notamment les REITs) ne s’explique absolument pas par la volonté de "manipuler" ce marché, mais parce que (i) tous les autres segments de marché (notamment les obligations souveraines) étaient "saturés" par les achats de la BOJ, alors que celle-ci devait continuer à acheter des actifs (= injecter de la liquidité) pour vaincre la déflation, et (ii) peut-être, la BOJ considère que les REITs ont des effets de richesse intéressants pour l’économie réelle japonaise.

Je continuerai plus tard sur les points restants de vos messages, mais vraiment il faut bien comprendre que les banques centrales, dont c’est le mandat, s’intéressent avant tout au prix de la liquidité, car c’est leur levier pour assurer la stabilité des prix. Toutes les banques centrales, animaux pépères et paresseux, préfèreraient tranquillement bouger leur taux directeur sans avoir à intervenir sur les marchés par des achats d’actifs, mais parfois c’est indispensable à l’accomplissement de leur mandat = la stabilité des prix.

Je remarque un paradoxe : d’un coté les BC n’aiment pas les périodes de surchauffe mais elles les alimentent directement en achetant pour certaines d’entre elles des actions…

« Quand une banque centrale achète (massivement) des actifs sur un marché donné, elle crée des distorsions (énormes) » (j’ai ajouté la parenthèses car pour l’actif qui m’intéresse ici, le marché actions, je ne sais pas si les interventions directes des BC sont énormes). J’ai écrit : « cela ressemble à de la manipulation ». Car si la volonté première de la banque centrale n’est pas de manipuler le marchés actions, elle est malgré tout consciente que ses achats vont avoir une influence et peuvent créer des distorsions. Si au départ, je visais les achats directs des BC sur les marchés actions, votre remarque sur un des objectifs du QE, « « pousser » les investisseurs due des actifs plus risqués (par exemple actions) » apporte un éclairage supplémentaire très instructif. Les marchés actions ne montent donc pas « à l’insu du plein gré » des BC wink même si je comprends que ce n’est pas, à priori, leur but premier.

Sur les « effets de richesse », si je comprends bien, les BC peuvent chercher à les créer pour leur influence positive dans l’économie réelle. Avec mes mots, cela donnerait : les BC cherchent à faire monter (manipulation ?) les marchés actions pour créer des effets de richesse favorables à l’économie réelle et donc à leur lutte contre la déflation.

Je n’écris pas qu’il y a un complot mondial et que la valorisation des marchés actions repose sur du vent, mais j’ai l’impression que les QE des banques centrales, et notamment les achats d’actions, ont des effets directs sur le niveau de valorisation des marchés.

Quelques chiffres : la BoJ détient pour 154 milliards de $ d’ETF sur des marché japonais valorisé à environ 3 000 milliards de $ (source ETF, source marchés). Un peu plus de 5% du marché ça paraît assez peu mais c’est le fait d’un acteur qui n’est pas « classique » voir légitime sur ces marchés et si je m’abuse ces actions ont été achetées par la « planche à billets ». Quelle influence ces 5% ont et auront sur le marché japonais ? Je ne sais pas.

Par rapport à tout ce que vous écrivez sur le rôle d’une banque centrale, que pensez de la politique de la BNS ? Je suis surpris de ses positions sur les marchés actions. Cela ne me semble pas répondre aux critères que vous énoncez. Effectivement, si j’en crois ce document du Nasdaq, la BNS possédait (au 31/12/2017) 2560 positions pour un montant de presque 89 milliards de $. Et de nombreuses positions comme Apple, Facebook ou par exemple les minières canadiennes me semblent n’avoir qu’une influence toute relative sur la déflation en Suisse. Cela ressemble plutôt à un fonds souverain, mais est-ce le rôle d’une banque centrale ?

Dernière modification par okavongo (10/02/2018 11h53)

Mots-clés : banque centrale, bns, boj, déflation, inflation, qe

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Favoris 2   [+9]    #2 10/02/2018 14h38

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Merci Okavongo pour avoir créé cette file, qui va permettre d’échanger sur l’impact de marché des banques centrales sans trop envahir les autres files (j’ai fait pas mal d’interventions sur le sujet un peu partout, notamment dans ma file de présentation ; désormais j’interviendrai sur cette file).

Je continue la discussion, en commençant par des considérations générales avant d’arriver plus précisément à vos questions et à celles de Juillet.

1) La politique monétaire, c’est d’abord de la psychologie

Même si les banques centrales ont des outils puissants pour changer les conditions de financement des banques et par conséquent de l’économie réelle, l’efficacité de leur action dépend avant tout de leur crédibilité et de leur impact sur la psychologie des agents économiques. Quand une banque centrale abaisse son taux directeur et/ou injecte de la liquidité via du QE, elle cherche à encourager la consommation et l’investissement, mais si les banques et/ou les agents économiques sont complètement dominés par un sentiment de peur, ou des anticipations négatives profondément ancrées (par exemple, la déflation au Japon), la politique monétaire devient largement inefficace.

Ce rôle crucial de la psychologie a 2 effets principaux pour la politique monétaire :

a) La parole et la crédibilité (personnelle et institutionnelle) d’un banquier central sont essentielles à l’efficacité de la politique monétaire. Par exemple, à l’été 2012, le discours de Draghi annonçant que la BCE allait faire "whatever it takes" a eu un impact de marché plus important que l’annonce du programme OMT lui-même, un mois et demi plus tard.

b) Quand une banque centrale intervient, en général elle ne fait pas les choses à moitié (au risque d’échouer à changer la psychologie des agents économiques), elle le fait avec une grande "puissance de feu" (par exemple, un volume de QE massif, avec un horizon assez long) : la doctrine  dominante chez les banques centrales n’est pas le gradualisme en situation de crise (notamment en raison des leçons tirées de l’expérience japonaise de déflation) ; c’est plutôt l’équivalent de la doctrine militaire US du "shock and awe / overwhelming force".

La meilleure illustration de cette doctrine reste la Fed, qui a réussi à ancrer profondément dans la psychologie des participants de marché qu’il ne servait à rien de "parier" contre elle. La BCE a fait de beaux progrès (à mon avis) pendant la dernière crise : l’OMT n’a jamais été activé (zéro achats), sa seule annonce a suffi à stabiliser le marché obligataire souverain de la zone euro.

En situation de crise (par exemple déflation menaçante ou réelle), la création (inévitable) de distorsions sur les marchés est une préoccupation secondaire pour la banque centrale. Elle a un mandat clair (la stabilité des prix), elle doit l’accomplir "whatever it takes".

2) La politique monétaire prend du temps pour toucher l’économie réelle

Vous avez raison, Okavongo, quand vous dites que le QE a contribué à la surchauffe sur les marchés boursiers : c’est incontestable, en raison de la baisse des taux à long terme et des effets d’éviction des investisseurs privés hors des marchés "peu risqués" (notamment obligations souveraines).

Mais vous négligez le facteur temps :

a) On estime que la politique monétaire conventionnelle (les changements de taux directeurs) prend de 6 à 12 mois pour impacter l’économie réelle (la consommation et l’investissement).

b) Pour la politique monétaire non-conventionnelle (par exemple QE), le temps d’impact est sans doute beaucoup plus long, car généralement des mesures comme le QE sont annoncées dans un climat dominé par des anticipations négatives : il faut du temps pour "retourner" la psychologie des agents économiques.

Donc le QE peut être annoncé à un moment T, avec une promesse de le maintenir sur un horizon suffisamment long, ses effets commencent (peut-être) à être visibles sur l’économie réelle à T+12-24 mois ; s’il a été prolongé (comme ça a été le cas plusieurs fois) pour le QE Fed et BCE, son horizon peut s’étendre à T+36 mois ou plus… Donc entre le moment où la banque centrale a annoncé son QE et le moment où elle commence à envisager d’y mettre fin, il peut se passer beaucoup de temps, et la situation du marché actions peut avoir complètement changé.

Bien sûr, la banque centrale surveille ce qui se passe sur le marché actions, mais son job à elle c’est l’économie réelle - qui évolue plus lentement que les marché actions (par nature guidés par des anticipations, souvent exagérées, dans un sens comme dans l’autre). Vous voyez, c’est trop demander à la banque centrale de restaurer la confiance des agents économiques (son mandat) et en même temps de faire attention à ce qu’il n’y ait pas de surchauffe sur les marchés boursiers ! C’est pour cela que je pense que la correction boursière en cours, plutôt saine aux niveaux de valorisation actuels, n’est pas forcément une mauvaise nouvelle pour la Fed / la BCE.

3) Les effets de richesse, objectif secondaire du QE

Le premier objectif du QE est vraiment quantitatif : il s’agit d’injecter rapidement un montant massif de liquidité, pour faire baisser le coût de financement de l’économie réelle : en achetant notamment des obligations souveraines, la banque centrale fait baisser les rendements à long terme pour l’ensemble des actifs, donc facilite l’investissement.

En outre les effets d’éviction favorisent les actifs risqués, comme les actions. On compte alors essentiellement sur trois effets :

a) un "effet de richesse" pour les investisseurs exposés à ces actifs risqués, qui vont dépenser / investir une partie de leurs PV : a priori ces effets de richesse sont plus importants aux USA qu’en Europe (faible détention d’actions par les particuliers européens).

b) un effet de "ruissellement" : même si la proportion de détenteurs d’actifs risqués dans la population est faible (comme en France), leur consommation / investissements accrus peuvent bénéficier à d’autres par ruissellement (ce qui prend du temps…)

c) un effet de confiance : les marchés actions sont très visibles (on en parle tous les jours dans les médias) et ont un rôle d’indicateur avancé de la conjoncture (enfin, en général…) : donc des marchés boursiers en meilleure forme, indirectement grâce au QE, peuvent, en temps de crise, contribuer à améliorer la psychologie des agents économiques.

Donc je confirme qu’une banque centrale est plutôt satisfaite de voir les marchés actions repartir à la hausse après une grosse crise, car par ces différents canaux cela peut aider l’économie réelle. Mais ensuite la banque centrale espère que les marchés actions reprendront peu à peu leur marche normale, si possible sans trop d’exagérations… Il n’y a pas de volonté des banques centrales de "doper" les marchés actions sur longue durée ; c’est un effet secondaire du QE, en premier lieu de son caractère massif (pour changer la psychologie des agents économiques) et de ses effets retardés.

4) QE : effets flux ou effets stocks ?

Votre question, Okavongo, sur l’effet de la détention d’ETFs par la BoJ renvoie à un débat théorique entre banquiers centraux : le QE est-il efficace par les flux d’achats ou bien par le stock d’actifs achetés ?

A ma connaissance, le débat n’est pas tranché. Comme disait Bernanke, "le problème du QE c’est que ça marche en pratique, mais pas en théorie"…

Personnellement, il me semble intuitif que les effets d’éviction correspondent plutôt à un effet stock (puisque le seul fait que la banque centrale détient x% du stock total d’un marché entraîne nécessairement un effet d’éviction des investisseurs privés vers d’autres marchés, pour le même montant). En revanche, les effets psychologiques du QE sont sans doute davantage liés aux flux d’achats.

Dans la pratique, la communication de la Fed et de la BCE sur leurs programmes de QE ne se limite pas aux flux mensuels : une fois son QE terminé, la Fed a largement communiqué sur le profil de rédemption de son portefeuille QE, en rassurant le marché sur son action de lissage (renouvellement partiel à maturité etc.). Cela signifie bien que les banques centrales tiennent autant compte des stocks que des flux.

Concernant le marché actions japonais, je n’ai pas l’impression que les achats de la BoJ (ETF, REITs) ait vraiment boosté le marché : à mon avis, l’effet volume sur la valorisation des actions japonaises est compensé par une hausse de la prime de risque, liée à l’incertitude sur les achats de la BoJ.

5) Composition du QE de la BCE

Comme souvent pour le QE, le programme d’achat d’actifs de la BCE est largement concentré sur les obligations souveraines : €1.9 trillions sur un stock total actuel de €2.3 trillions.

La répartition de ces achats d’obligations souveraines suit la clef de répartition du capital de la BCE : donc les obligations souveraines allemandes, Juillet, constituent bien les volumes les plus importants (ensuite, la France, l’Italie, l’Espagne etc.). Cette composition est bien la preuve que le QE de la BCE a un objectif avant tout quantitatif, et non un objectif de soutien de liquidité aux émetteurs souverains les plus faibles !

Un autre point absolument crucial : tous les achats d’obligations souveraines par l’Eurosystème (BCE + banques centrales nationales) sont réalisés sur le marché secondaire ! Les achats sur le marché primaire sont strictement interdits par les statuts de la BCE (Article 123 : interdiction du financement monétaire des Etats). Donc il est absolument faux de dire que la BCE "finance" la Grèce, le Portugal, l’Italie etc. : il n’y a aucun argent "frais" de la BCE qui finance les Etats, c’est strictement illégal. La BCE achète des obligations souveraines déjà émises auprès de participants de marché, à des prix de marché.

Pour le programme OMT de 2012, certains économistes (en Allemagne, notamment) ont argué du fait que les achats sur le marché secondaire sans limite explicite revenaient à du financement monétaire des Etats : ils ont perdu en justice, devant la Cour constitutionnelle allemande, puis devant la Cour de justice de l’UE. [J’ai fourni les arguments techniques :-) ]

Outre les obligations souveraines, l’Eurosystème achète des covered bonds (stock actuel €244 milliards), des corporate bonds (€137 milliards) et des ABS (€25 milliards). Juillet, ces achats sont absolument conformes aux statuts de la BCE : en langage, BCE, il s’agit d’"opérations structurelles", prévues dès le début par la "Documentation Générale" de la BCE [ le texte de référence pour les opérations de la BCE, que j’adapte un peu partout dans le monde pour des banques centrales qui cherchent à définir un bon cadre de politique monétaire :-) ; saine mais aride lecture, si quelqu’un a du courage, ou besoin d’aide le soir pour s’endormir]

Quand la BCE prête à des banques, c’est toujours contre des actifs en garantie (le collatéral) : selon la "Documentation Générale", les achats d’actifs sont limités aux actifs qui peuvent être pris en garantie lors des opérations de prêt : c’est bien le cas pour le QE.

6) La BCE respecte-t-elle son mandat ?

Juillet, à mon avis pour bien examiner cette question, il faut bien distinguer les outils de la BCE de son objectif :

a) Jusqu’ici, la BCE a-t-elle atteint son mandat de maintenir la stabilité des prix ? (définie comme un indice des prix en croissance de moins, mais proche, de 2% par an) Oui, sans aucun doute. C’est factuel : depuis 1999, on est en moyenne à 1,71% - donc difficile de dire que la BCE n’a pas fait son job.

b) Les outils mis en oeuvre par la BCE sont-ils conformes à ses statuts ? Oui, et quand il y a eu un doute, cela a été confirmé par la justice. Le QE est strictement conforme aux statuts de la BCE ; l’OMT était peut-être borderline, mais bien légal. Une anecdote : comme expert opérationnel (la fonction faisant l’homme, j’étais assez enclin à proposer des solutions "créatives"), j’étais sous la garde constante (i) d’un expert du droit, (ii) d’un économiste (allemand, en général, bien dogmatique) expert de l’interdiction du financement monétaire des Etats (Article 123 TFUE), et (iii) d’un expert de la gestion des risques. Donc aucune mesure de la BCE n’a été annoncée avant une vérification stricte de sa légalité et du respect de l’Article 123, et une évaluation des risques.

c) Les outils mis en oeuvre par la BCE sont-ils conformes à la pratique internationale ? Oui, évidemment. En fait, à mon sens, le programme de QE de la BCE a été plutôt timoré (en tout cas, il est arrivé un peu tard) par rapport à celui, plus dynamique, de la Fed, et celui, beaucoup plus étendu (du fait de la sévérité de la déflation), de la BoJ. Une banque centrale qui n’a pas le QE dans son arsenal a perdu d’avance son combat pour la stabilité des prix.

d) La BCE a-t-elle fonctionné comme une "bad bank" ? Non, au contraire, la BCE a enregistré des profits records pendant la crise. Si la BCE avait pris des risques insensés, elle aurait fait des pertes pendant la crise : c’est tout le contraire. J’aime beaucoup l’idée de Milton Friedman, qui disait que la meilleure mesure du succès d’une intervention d’une banque centrale, c’est le profit ou la perte générée par l’opération : en effet, si une intervention de la banque centrale (sur le marché des changes, par exemple) réussit, l’impact sur la psychologie des participants de marché doit changer les prix et permettre à la banque centrale d’enregistrer un gain sur son intervention. Cela a bien été le cas pour la plupart des mesures "non-standard" de la BCE (mais je reconnais que les achats de dette publique grecques en 2011 étaient plus que limite).

7) Mandat d’une banque centrale : uniquement la stabilité des prix ou aussi la croissance / le plein emploi ?

Vous mentionnez un point intéressant, Juillet, sur la différence du mandat entre la BCE (stabilité des prix) et la Fed (stabilité des prix + plein emploi). En fait, si on modélise la fonction de réaction de ces banques centrales aux mandats différents, on retrouve à peu près la même règle de Taylor (le taux directeur de la banque centrale comme fonction de l’inflation et de l’écart entre la croissance observée et la croissance potentielle).

Cela suggère que la formulation du mandat a une importance assez secondaire : évidemment, la BCE, comme la Fed, regarde de près la croissance et la situation de l’emploi. Si on insiste autant sur la stabilité des prix, c’est bien parce qu’on pense que des prix stables créent le meilleur environnement pour la croissance et l’emploi, à long terme.

Selon la doctrine dominante à la BCE, un mandat unique est supérieur à un mandat dual, car il engage plus clairement la banque centrale - donc conduit à une plus grande crédibilité auprès des agents économiques. Bon, sur ce point moi aussi je suis assez orthodoxe, après 10 ans à Francfort :-)

8) La BNS est-elle un fonds souverain ou toujours une banque centrale ?

Une banque centrale détient 3 portefeuilles distincts :

a) un portefeuille de politique monétaire : c’est le cas, par exemple, des actifs détenus au titre du QE (c’est bien une mesure de politique monétaire)

b) un portefeuille d’investissement (en actifs domestiques) : la Banque de France, la BCE, par exemple, ont des portefeuilles de titres souverains zone euro, qui ne sont pas détenus au titre de la politique monétaire, mais à des fins d’investissement. En effet, une banque centrale vraiment indépendante (donc crédible pour garantir la stabilité des prix), c’est une banque centrale indépendante financièrement [pour ne pas dire rentière :-) ] Ces portefeuilles d’investissement servent notamment à payer les retraites des employés. Certaines banques centrales de la zone euro détiennent des portefeuilles d’investissement très diversifiés : pas uniquement des obligations souveraines, mais aussi des corporate bonds, et même des actions ! Mais en général, ces portefeuilles d’investissement en actifs domestiques sont assez petits en comparaison des portefeuilles de QE.

c) un portefeuille de réserves de change : les réserves de change servent à intervenir sur le marché des changes pour empêcher une appréciation ou une dépréciation excessive de la devise domestique. Pour la Fed ou la BCE, ces réserves de change sont assez réduites, car les devises sont solides et rarement "attaquées" (pour la BCE, une trentaine de milliards € en USD et JPY, j’ai été le stratégiste pour ce portefeuille dans une vie antérieure). En général, pour les réserves de change, la banque centrale privilégie 3 objectifs (par ordre décroissant d’importance) : (i) la liquidité, (ii) la sécurité, (iii) le rendement. En effet, il est essentiel que ces actifs puissent être rapidement transformés en cash (liquidité) pour intervenir rapidement sur le marché des changes, et soient sûrs - le rendement n’est pas l’essentiel.

Les réserves de change de la BNS sont beaucoup, beaucoup plus importantes que celles de la Fed ou de la BCE, car la BNS a dû acheter massivement des devises étrangères (principalement USD et EUR) pour empêcher l’appréciation excessive du franc suisse (effets récessifs sur l’économie suisse). Je pense que la BNS en a tellement accumulé qu’elle a dû finir par se poser des questions sur la sécurité et le rendement de cet énorme portefeuille :

- Depuis la crise souveraine de la zone euro, certains doutent du caractère "sans risque" de la dette souveraine (et la situation budgétaire US n’est pas précisément brillante). Donc du point de vue de la sécurité, une diversification en actions "blue chips" ne me semble pas illogique.

- Du point du vue du rendement, je pense qu’on sera tous d’accord ici pour dire que 20% en actions n’est pas déraisonnable.

- Du point de vue de la liquidité, la BNS semble privilégier les grosses valeurs américaines, ils n’en sont pas encore, je pense, à regarder le marché libre parisien ;-)

Au final, je trouve assez logique que la BNS place une partie de son énorme portefeuille de devises en actions big caps. Le contexte, vous le voyez Okavongo, est très différent des interventions de la BoJ sur le marché actions (ETF, REITs). Le point commun entre les 2, c’est que la BNS comme la BoJ ont agi dans un environnement contraint, sans aucune volonté de "manipuler" le marché actions (bon, éventuellement on peut parler des effets de richesse associés aux achats de la BoJ, même si son objectif était avant tout quantitatif).

Désolé pour le pavé, mais les questions sur les banques centrales reviennent souvent, donc j’essaie d’être précis. Merci encore à Okavongo pour la création de cette file.

Dernière modification par Scipion8 (10/02/2018 14h58)

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#3 10/02/2018 14h44

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Scipion8 a écrit :

Quelques réflexions :

1) Le mandat d’une banque centrale c’est la stabilité des prix, pas les plus-values des actionnaires. Quand la Fed, la BoJ ou la BCE achètent des actifs, c’est pour empêcher une déflation (la pire situation du point de vue de la politique économique), pas pour faire gonfler les marchés boursiers (ça, c’est un effet secondaire, pas forcément voulu).

Dans la théorie monétariste, oui, la banque centrale ne doit s’intéresser qu’à l’inflation, puisque la monnaie est neutre par ailleurs.
Dans la vraie vie, et pas dans les modèles des économistes néo-classiques, la monnaie est une institution, et les politiques monétaires ne peuvent pas se limiter à l’inflation.

okavongo a écrit :

Par rapport à tout ce que vous écrivez sur le rôle d’une banque centrale, que pensez de la politique de la BNS ? Je suis surpris de ses positions sur les marchés actions. Cela ne me semble pas répondre aux critères que vous énoncez. Effectivement, si j’en crois ce document du Nasdaq, la BNS possédait (au 31/12/2017) 2560 positions pour un montant de presque 89 milliards de $. Et de nombreuses positions comme Apple, Facebook ou par exemple les minières canadiennes me semblent n’avoir qu’une influence toute relative sur la déflation en Suisse. Cela ressemble plutôt à un fonds souverain, mais est-ce le rôle d’une banque centrale ?

La BNS doit également défendre la valeur du franc sur le marché des changes. Cela passe par l’achat d’actifs en dollars…

Prendre des positions sur des marchés étrangers permet aussi d’avoir de l’influence, et si le franc n’est pas vraiment une monnaie internationale, la BNS et l’économie suisse ont leur mot à dire. Cela permet de se positionner lors des accords de liquidity swaps entre banques centrales par exemple.

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#4 10/02/2018 15h55

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Scipion8 a écrit :

il n’y a aucun argent "frais" de la BCE qui finance les Etats, c’est strictement illégal. La BCE achète des obligations souveraines déjà émises auprès de participants de marché, à des prix de marché.

Question sans doute un peu naïve ( mais j’ai pris la peine de lire le "pavé" jusqu’au bout et je suis amené à me faire cette réflexion) : certes c’est illégal, mais si la BCE prête de l’argent à 0 % à un participant de marché pour que celui-ci achète des obligations d’État à 1% ( par exemple) avec la certitude que la BCE les rachètera sur le marché secondaire, cela ne revient-il pas au même sur le fond à défaut de l’être sur la forme ?
Question subsidiaire ( et mesquine ) d’un contribuable Européen : ne vaudrait-il pas mieux que ce soit légal et que la BCE puisse acheter des obligations d’État à 0% plutôt que d’engraisser au passage des opérateurs de marché, banques ou assurances ?

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#5 10/02/2018 16h00

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Scipion8 a écrit :

- Du point du vue du rendement, je pense qu’on sera tous d’accord ici pour dire que 20% en actions n’est pas déraisonnable.

- Du point de vue de la liquidité, la BNS semble privilégier les grosses valeurs américaines, ils n’en sont pas encore, je pense, à regarder le marché libre parisien ;-)

Au final, je trouve assez logique que la BNS place une partie de son énorme portefeuille de devises en actions big caps.

Effectivement 20% en actions ne semble pas de prime abord déraisonnable. A condition toutefois de ne pas vendre tout l’or de la BNS pour se ruer sur les marchés à la recherche du rendement. A mes yeux, l’or est un actif indispensable pour un banque centrale. Mais je suis peut-être vieux jeu… En écrivant que 20% ce n’est pas déraisonnable, je tique quand même. Car à ce moment là pour le rendement et pour diversifier pourquoi les BC ne se lanceraient-elles pas dans les cryptos monnaie, dans la spéculation sur les matières premières, dans la location d’or à des ETF ou dans le poker en ligne smile Pour la stabilité du "système" en cas de coup dur, mieux vaut me semble-t-il qu’une BC dispose d’actifs sûrs plutôt que d’être embourbée, même à hauteur de 20%, dans les marchés boursiers. Comme vous l’écrivez, dans les situations difficiles, l’aspect psychologique et la confiance sont primordiales. Ce que l’on gagne en rendement ne peut-il pas être perdu en crédibilité ?

De ce que je vois du portefeuilles de la BNS, il n’y a pas que des grosses valeurs américaines loin s’en faut. En triant les position par ordre croissant, on découvre beaucoup de biotechs, des circuits automobiles, des capitalisations de l’ordre de 200 millions de $ comme pour la minière de métaux précieux Endeavour Silver et j’en passe car c’est un véritable inventaire à la Prévert (même en ne regardant que quelques lignes).

Le top pour les banquiers centraux serait quand même de pouvoir spéculer sur des nouvelles qu’ils vont annoncer smile. Par exemple, prendre des positions short avant d’annoncer une hausse des taux. Ou le contraire. Ça peut sembler fou mais il n’y a pas si longtemps on avait bien envisagé "l’hélicoptère monétaire"…

doug a écrit :

La BNS doit également défendre la valeur du franc sur le marché des changes. Cela passe par l’achat d’actifs en dollars…

Je ne suis pas sûr que le verbe "défendre" soit bien choisi. En l’occurrence, il s’agit plutôt pour la BNS d’éviter que le Franc Suisse ne s’apprécie trop. Donc perde de la valeur wink

Grâce à la crise de 2008, j’ai réalisé le rôle considérable des banques centrales. Je l’avais jusqu’alors plutôt négligé. J’ai aussi réalisé à cette occasion que la décroissance chère à certains écologistes était une chimère car ces effets seraient dévastateurs. En même temps, si la déflation est mauvaise pour l’économie, elle me semble bonne pour la planète. J’ai l’impression quand dans ce forum nous avons plutôt des consommateurs responsables (radins ?). De plus, l’inflation est l’ennemi du rentier. Une BC éco-responsable et "forum IH friendly" ne pourrait-elle donc pas avoir une politique de stabilité des prix ? Mais une vraie stabilité, à 0%…

Déontologie : je détiens une position acheteuse/vendeuse sur une ou plusieurs société(s) listée(s) dans ce message.

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[+3]    #6 10/02/2018 17h15

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@Okavongo :

1) Je vous rassure, je suis à peu près sûr que la BNS n’a pas vendu d’or pour constituer ce portefeuille actions :

- d’une part, la BNS est signataire du Central Bank Gold Agreement : il date un peu (2014, valide jusqu’en 2019) et j’ai un peu décroché du sujet, mais je serais surpris s’il y avait eu du mouvement depuis ;

- d’autre part (et surtout), ce portefeuille actions est le résultat des interventions de la BNS sur le marché des changes (vente de CHF / achat de USD) : une opération de vente d’or / achat de USD n’aurait pas eu l’effet désiré par la BNS !

2) Je pense qu’il faut voir le portefeuille actions de la BNS comme la poche "rendement" de ses réserves de change. Ils doivent avoir largement assez d’actifs très liquides ! En fait chaque banque centrale a en tête la taille "optimale" de ses réserves de change : il est certain que la BNS est actuellement très en-dessus de ce qu’ils considèrent comme cette taille optimale ; ils ont dû considérer logique d’investir le "surplus" en actifs à plus haut rendement.

La crédibilité de la BNS, c’est la force du CHF ! On peut presque considérer que la BNS a "trop" de crédibilité !

3) Je n’avais pas réalisé que la BNS n’a pas que des big caps. Il serait intéressant de savoir comment ils ont constitué et comment ils gèrent ce portefeuille : parfois la banque centrale préfère confier la gestion de ses actifs "non-conventionnels" à un gestionnaire externe (type BlackRock etc.). Je n’ai pas trouvé l’information (mais ils disent ne pas acheter d’actions bancaires, donc ils gèrent peut-être eux-mêmes ce portefeuille). S’ils ont fait la sélection eux-mêmes, je vais jeter un coup d’oeil, car la BNS a très bonne réputation dans le milieu, ils ont dû sélectionner très précautionneusement leurs lignes (même s’il n’y a pas de raison a priori qu’ils soient meilleurs qu’un gestionnaire privé). [EDIT : wow, ils ont plus de 2000 lignes ! Moi qui croyais en avoir beaucoup… Du coup, je ne sais pas si on peut parler de "sélection", ils ont acheté tout ce qui bouge !]

4) Les banques centrales font attention à ne pas envoyer de "signaux" indésirables sur leur politique monétaire par leurs opérations de marché. C’est pourquoi il y a des "murailles de Chine" dans les banques centrales entre les activités de politique monétaire et les activités d’investissement (par exemple la gestion de réserve de change). Quelques illustrations avec mon expérience personnelle :

- Les gestionnaires des portefeuilles USD et JPY de l’institution européenne n’ayant pas accès, à cause d’une muraille de Chine, aux économistes travaillant sur les USA et le Japon, on m’a demandé d’être l’économiste / stratégiste USD & JPY pour ces portefeuilles (je n’avais pas accès aux analyses du département Economics, je devais tout faire tout seul dans mon coin).

- Lorsque la BCE a commencé à intervenir sur le marché obligataire, les portefeuilles d’investissement EUR ont été basculés en gestion totalement passive pour ne pas envoyer de signal au marché.

- En début de carrière, j’ai été trader FX pour l’institution nationale : EUR/USD et EUR/CHF. Même si on prenait garde à ne pas trader juste avant et pendant les conférences de presse de la BCE, la BCE voyait ces activités de trading sur EUR d’une banque centrale nationale d’un très mauvais oeil.

@toufou : merci et bravo pour avoir surmonté l’épreuve du pavé :-)

Vous soulevez le même argument que nos adversaires allemands devant la Cour de Justice de l’UE, je fournirai donc la même réponse :-) Vous avez raison, si un participant de marché avait la certitude de revendre à la BCE à un prix plus élevé que le prix d’émission, cela serait sans doute assimilable à du financement monétaire des Etats - ce qui est strictement interdit à la BCE. (D’ailleurs la définition BCE du financement monétaire, ce n’est pas simplement les achats sur le marché primaire, c’est aussi tout achat sur le marché secondaire à des conditions irrégulières.)

Mais :

1) Un participant de marché ne peut avoir aucune certitude sur un achat par la BCE : pour ces opérations, la BCE (ou plus précisément l’Eurosystème) a un grand nombre de contreparties, et les met systématiquement en concurrence.

2) Les opérations d’achat de la BCE se font strictement au prix et à des conditions de marché, donc le participant de marché ne peut avoir de certitude sur une plus-value même s’il revend à la BCE.

3) En pratique, la BCE n’achète jamais juste après une émission obligataire. Elle attend un certain temps, de telle sorte que ce genre de stratégie ne peut marcher de façon certaine.

Sur votre proposition d’achat direct d’obligations souveraines de la BCE sur le marché primaire, sans passer par des contreparties privées : l’"économie" éventuelle sur les coûts de transaction serait largement compensée par le fait que les Etats ne feraient plus aucun effort pour maîtriser leur situation budgétaire (aléa moral).

Des taux d’émission trop bas, associés à une situation fiscale en dégradation, pousseraient les investisseurs privés à quitter le marché obligataire souverain : à terme, il n’y aurait plus que la banque centrale qui achèterait (ce qu’on appelle la "monétisation" de la dette publique), ce qui tôt ou tard conduirait à une perte de crédibilité de la banque centrale et à de l’hyper-inflation.

Dans les pays en voie de développement où je travaille, je conseille systématiquement à la banque centrale d’éliminer le financement monétaire de l’Etat (très courant, car historiquement toutes les banques centrales le faisaient).

Il est important que les Etats continuent d’émettre auprès d’investisseurs privés, et que les conditions d’émission reflètent les risques de crédit spécifiques à chaque Etat : sans cette discipline de marché, les Etats se conduiraient rapidement de façon irresponsable. Dans la zone euro, la BCE souhaite évidemment préserver le bon fonctionnement du marché obligataire souverain.

@doug : le rôle de la politique monétaire est de préserver la valeur de la monnaie, donc la stabilité des prix. Cela dit, c’est vrai que la formulation exacte du mandat varie d’une banque centrale à l’autre. Comme expliqué dans mon message précédent, il semble (au moins pour les "grandes" banques centrales) que la formulation du mandat n’ait qu’une influence limitée sur la "fonction de réaction" (règle de Taylor) de la banque centrale. Donc bien sûr, la BCE, comme la Fed, tiennent compte de la croissance et de l’emploi - pas simplement de l’inflation.

Outre la politique  monétaire, la plupart des banques centrales ont d’autres responsabilités dans leur mandat : stabilité financière, systèmes de paiement, émission de la monnaie, conseiller financier de l’Etat etc.

Dernière modification par Scipion8 (10/02/2018 17h37)

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#7 14/02/2018 12h42

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Excellente file, très intéressante !
Par curiosité,  comment ce seuil de 2% d’inflation max a-t-il été choisi? ie. pourquoi pas moins ou plus?
Je comprend qu’avoir un peu de marge en dessous (0->2) est agréable pour piloter sereinement sans tomber dans le "monstre" qu’est la deflation.
Mais pourquoi on aurait pas 3 ou 4% max comme cible (voir beaucoup plus comme ce fut le cas en 80/90 en fonction des pays d’europe)?


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#8 14/02/2018 14h00

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Bonjour,

Scipion8 a écrit :

Dans les pays en voie de développement où je travaille, je conseille systématiquement à la banque centrale d’éliminer le financement monétaire de l’Etat (très courant, car historiquement toutes les banques centrales le faisaient).

Si je comprends bien le sens de votre phrase, vous conseillerez donc de voter non à la votation Suisse qui propose que l’émission monétaire soit faite par la BNS?
INITIATIVE MONNAIE PLEINE SUISSE: Accueil -

Peut-être pourriez-vous nous apporter un éclairage intéressant sur cette votation?


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[+3]    #9 16/02/2018 07h40

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Blackfalcon a écrit :

Par curiosité,  comment ce seuil de 2% d’inflation max a-t-il été choisi? ie. pourquoi pas moins ou plus?
Je comprend qu’avoir un peu de marge en dessous (0->2) est agréable pour piloter sereinement sans tomber dans le "monstre" qu’est la deflation.
Mais pourquoi on aurait pas 3 ou 4% max comme cible (voir beaucoup plus comme ce fut le cas en 80/90 en fonction des pays d’europe)?

1) Pourquoi la BCE a-t-elle une définition quantitative de la stabilité des prix ?

Cette définition quantitative de la stabilité des prix permet de :

(a) rendre la politique monétaire plus transparente et prévisible : tous les agents économiques vont donc pouvoir ajuster leurs choix en conséquence, donc on a plus de chances d’atteindre la situation optimale pour l’économie dans son ensemble. Certaines banques centrales sont encore plus transparentes : non seulement elles définissent une cible quantitative d’inflation, mais elles annoncent à l’avance à quel niveau d’inflation elles réagiraient : c’est le ciblage d’inflation (la Banque d’Angleterre, par exemple).

(b) ancrer les anticipations des agents économiques : on le voit sur ce forum, par exemple, quand on essaie d’estimer le patrimoine nécessaire pour atteindre l’indépendance financière : en général les membres du forum prennent pour hypothèse des rendements historiques (sur les actions, par exemple) et une inflation moyenne, en général 2% ; ils "valident" ainsi la définition de la stabilité des prix de la BCE (implicitement, ils montrent qu’ils considèrent la politique monétaire de la BCE comme crédible). Quand la banque centrale n’est pas crédible ou que la stabilité des prix est mal définie, les agents économiques vont devoir inclure dans leurs calculs une prime de risque, qui conduira à une suboptimalité dans les choix économiques.

(c) évaluer si la banque centrale accomplit son rôle : si la stabilité des prix n’était pas précisément définie, on pourrait débattre à l’infini pour savoir si la banque centrale fait correctement son travail ou non. Avec une définition quantitative, on en a une idée précise : l’inflation moyenne dans la zone euro depuis 1999 étant 1,71%, on peut dire en gros que la BCE a bien fait son travail (dans le détail, il faudrait regarder aussi la volatilité autour de cette moyenne, et l’ancrage des anticipations d’inflation). Cette mesure objective de la performance de la banque centrale et cette mise en responsabilité (accountability) est d’autant plus importante que la banque centrale est indépendante.

2) Pourquoi la BCE définit-elle la stabilité comme une inflation de moins, mais proche, de 2% ?

Je commence par donner la vision "orthodoxe" (la doctrine de la BCE), puis une vision plus hétérodoxe et politique de l’inflation (ce que la BCE ne pourrait pas dire).

a) La vision économique / orthodoxe

Vous avez bien compris, Blackfalcon, qu’une raison essentielle pour cette définition est d’avoir une marge suffisante pour éviter le risque de déflation. La déflation est redoutable car très difficile à combattre pour une banque centrale et auto-alimentée par les anticipations des agents économiques. Les agents économiques vont-ils anticiper une baisse continue des prix s’ils voient une inflation de -1%, -0,5%, 0% ou même 0,5% ? Difficile à dire a priori : ça dépend de l’histoire de chaque pays (y a-t-il déjà eu des épisodes de déflation ou non, etc.) et de la psychologie collective.

Dans ce contexte, une banque centrale ne prend pas de risque : elle vise un niveau d’inflation suffisamment supérieur (avec une marge) au niveau où l’on estime que des anticipations de déflation pourraient commencer à se former.

Pour la BCE, il faut aussi tenir compte des différentiels d’inflation entre pays de la zone euro : bien sûr, la BCE tient avant tout compte de l’inflation moyenne sur la zone euro, mais il ne serait pas acceptable d’avoir de la déflation même dans un seul pays de la zone euro (cela alimenterait des forces centrifuges, économiquement puis politiquement) - ce qui veut dire qu’il faut augmenter un peu la marge de sécurité.

En outre la BCE tient compte du fait que sa mesure privilégiée d’inflation (HICP, Harmonized Index of Consumer Prices) puisse "exagérer" un peu le niveau réel d’inflation (bon, les citoyens ont plutôt l’impression du contraire, selon les sondages). Cela conduit à augmenter encore un peu la marge de sécurité.

C’est pour cela que la BCE ne vise pas 1% d’inflation, par exemple : la marge de sécurité serait insuffisante et on risquerait de tomber en déflation.

Pourquoi pas un niveau plus élevé que "moins, mais proche de, 2%" ? Parce que l’expérience suggère que des niveaux plus élevés d’inflation tendent à conduire à une situation économique moins optimale. Aujourd’hui, quand on fait un achat ou un investissement important, on ne tient pas nécessairement compte de l’inflation (sans y réfléchir, on "internalise" la stabilité des prix), car une inflation de 2% ou moins, en général, ne va pas fondamentalement changer les choix économiques.

Mais avec une inflation de 5%, il faudrait en tenir compte - ce qui, empiriquement, conduit à une situation économique moins optimale. Une explication de cette sous-optimalité est qu’une inflation moyenne de disons 5% signifie que certains biens du panier de consommation vont varier de façon importante (+10%, +15% etc.). A ces niveaux de variation des prix les agents économiques vont commencer à inclure des primes de risque d’inflation pour les différents biens du panier - conduisant à une perte économique (certaines décisions d’achat ou d’investissement qui auraient été faites avec une plus grande stabilité des prix ne le seront plus).

Ainsi, la définition quantitative de la stabilité des prix par la BCE correspond au niveau optimal pour (i) réduire le risque de déflation et (ii) encourager l’investissement et la consommation.

b) La vision politique / hétérodoxe

Au-delà de la théorie économique que la BCE exprime dans sa doctrine, il faut bien comprendre que l’inflation est un mécanisme redistributeur au sein de la population. Les ménages endettés, par exemple, ont intérêt à une inflation assez élevée (évidemment, si elle se transmet à leurs revenus !) car elle va diminuer la charge de leur dette. En revanche, les épargnants ont intérêt à une inflation basse, qui va faciliter leurs investissements.

De même, parmi les Etats membres de la BCE, ceux avec une dette publique élevée (Italie, France) ont plus intérêt à une inflation assez élevée que les Etats "vertueux" (Allemagne).

Sous un angle politique, on peut ainsi penser que la définition de la stabilité des prix de la BCE reflète un double équilibre politique :

- entre les pays de la zone euro, c’est le niveau d’inflation qui allège un peu la charge de la dette de la France et de l’Italie sans trop inquiéter l’Allemagne ;

- au sein de chaque pays de la zone euro, c’est le niveau d’inflation qui avantage les épargnants sans trop pénaliser ceux qui se sont endettés.


Avec cette interprétation politique, on peut interpréter, Blackfalcon, pourquoi la stabilité des prix correspond aujourd’hui à un niveau d’inflation plus bas (en France) que dans les années 1980 :

- d’une part, l’adoption de l’euro a donné à la France une devise plus forte et stable que le franc ; la "contrepartie" a été d’accepter un niveau un peu plus bas d’inflation (alors que l’inflation nous arrange bien, avec notre tendance persistante à l’endettement public) ;

- d’autre part, les pays de la zone euro sont tous dans une phase de vieillissement démographique : le poids politique des épargnants s’accentue, ce qui conduit naturellement à un désir de la population (et des responsables politiques qu’elle élit) d’une inflation un peu moins élevée.

PS : Une remarque importante en passant : ceux qui prévoient une apocalypse liée à la dette publique insoutenable en France / USA / Japon etc. ne voient en général que 2 moyens pour résoudre le problème : (1) l’austérité ou (2) le défaut. IL faut bien comprendre qu’il y a 2 autres moyens quasi "silencieux" et très efficaces pour résoudre un problème de dette publique insoutenable : (3) l’inflation et (4) la "monétisation" de la dette publique (achat par la banque centrale). Bien sûr, dans la zone euro, une inflation trop élevée comme la monétisation de la dette publique sont en principe exclues par le mandat de la BCE. Mais il y a des moyens "discrets" d’y avoir recours. La Banque d’Angleterre, par exemple, a permis de régler la dette publique insoutenable du Royaume-Uni après 1945 (à cause des dépenses de guerre), en acceptant une inflation un peu plus élevée sur très longue période.

PS 2 : Je répondrai sur la même file aux questions de Gog sur TARGET2 et l’Eurosystème, de PeterParker sur le soutien de liquidité vs. solvabilité aux banques, de Zeboulon sur la votation citoyenne suisse, et j’y fournirai des conseils de lecture sur la politique monétaire, comme on me l’a demandé.

Dernière modification par Scipion8 (16/02/2018 07h42)

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#10 16/02/2018 09h22

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Avec des taux d’intèrêt négatifs, une dette insoutenable ne devient-elle pas soutenable ? Cela ressemble à une "monnaie fondante".

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[+4]    #11 21/02/2018 00h39

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@Okavongo : Oui, abaisser les rendements obligataires à des niveaux très faibles voire négatifs est un des moyens de rendre une dette soutenable. Cela rejoint l’idée de "monétisation" de la dette, car le seul moyen d’abaisser durablement et de façon importante les rendements obligataires est un programme d’achats massifs, prolongé, par une entité sans contrainte de liquidité : la banque centrale. Certains critiques du QE y voient une tentative déguisée d’abaisser artificiellement les rendements obligataires afin d’aider les Etats dont la dette publique a beaucoup gonflé.

@Zeboulon : Non, la question du financement monétaire et la votation suisse sur la "monnaie pleine" sont 2 sujets distincts :

- Le financement monétaire désigne le financement par une banque centrale d’un Etat. La plupart des banques centrales (voire toutes) en ont fait à un moment ou à un autre. Une des fonctions traditionnelles d’une banque centrale est en effet d’être le "banquier" de l’Etat : outre la tenue du compte de l’Etat, une banque centrale peut, à la demande de l’Etat, lui accorder des avances. Néanmoins, dans la doctrine orthodoxe dominante actuellement, des avances accordées à l’Etat par une banque centrale sont perçues comme néfastes à son indépendance et à l’accomplissement de son mandat principal : la préservation de la stabilité des prix par la politique monétaire. Ce risque est d’autant plus grand que les avances accordées par la banque centrale à l’Etat sont importantes, à des taux anormalement bas, et sur des maturités longues. En effet, si le public perçoit que la banque centrale peut, sans restriction, faire fonctionner la "planche à billets" pour accorder des avances à l’Etat, c’est la valeur de la monnaie qui est menacée (puisque la quantité de monnaie peut augmenter sans limite), de même que la crédibilité et l’indépendance de la banque centrale. C’est pourquoi les mandats (légaux) des banques centrales fixent désormais des limites très strictes au financement monétaire des Etats, voire une prohibition stricte (comme pour la BCE).

- La votation suisse est sur un sujet différent : la proposition de "monnaie pleine" consiste à placer la création monétaire sous la seule responsabilité de la banque centrale (BNS) et non plus du système bancaire.

Il est correct de dire qu’aujourd’hui la création monétaire se fait par les banques : la monnaie est créée quand une banque accorde un prêt. En effet, quand une banque accorde un prêt, immédiatement la contrepartie de ce prêt va être un dépôt bancaire de montant équivalent : la masse monétaire augmente donc chaque fois qu’un prêt est accordé. Par exemple : Mme A emprunte à UBS pour acheter un appartement à M. B, qui a un compte chez Crédit Suisse ; après l’opération le bilan du système bancaire suisse aura augmenté, avec à l’actif le prêt d’UBS à Mme A et au passif le dépôt de M. B chez Crédit Suisse.


Il est également correct de dire qu’un dépôt bancaire est risqué : c’est un passif pour la banque, qui est donc en péril en cas de faillite bancaire, même si contrairement aux défenseurs de la proposition de "monnaie pleine", je n’aurais personnellement pas d’inquiétude sur le plein exercice de la garantie des dépôts (jusqu’à 100.000 CHF par déposant et par banque), même en cas de crise systémique. Comme d’habitude, les adversaires du système bancaire alimentent les peurs en soulignant la disproportion entre les dépôts bancaires et les montants assez modestes à la disposition du fonds de garantie - sans comprendre que la véritable protection du déposant c’est l’Etat, derrière le fonds de garantie.

Les partisans de la "monnaie pleine" proposent de (1) mettre à l’abri les fonds placés par les épargnants auprès des banques et (2) rendre la BNS, et non plus les banques, responsables de la création monétaire :

- La première idée me semble réalisable : on peut décréter que les dépôts bancaires sont intouchables en cas de faillite bancaire. La conséquence d’un tel engagement est, toutefois, une dette implicite écrasante pour l’Etat (encore plus que sa garantie implicite au plein exercice de la garantie des dépôts), qui aurait pour conséquence logique une dégradation de la notation souveraine de l’Etat et une hausse de ses coûts de financement. En outre, le caractère inviolable des dépôts (même au-delà du plafond de la garantie) pourrait éventuellement entraîner une hausse des coûts de financement des banques sur le marché obligataire - puisque les actionnaires, les créanciers obligataires et autres créanciers porteraient seuls le poids du risque de faillite (et devraient donc être dédommagés en conséquence par la banque).

- La deuxième idée est également réalisable, mais sans doute pas comme les partisans de la "monnaie pleine" l’envisagent. Je peine à comprendre leur logique : ils comprennent bien que c’est l’activité de prêt des banques qui crée la monnaie ; ils ne veulent plus que les banques créent la monnaie mais reconnaissent pourtant qu’elles doivent continuer à prêter…

En réalité, au moins en théorie, on pourrait envisager de redéfinir les rôles respectifs de la banque centrale et du système bancaire dans la création monétaire. La technologie blockchain, en particulier, pourrait éventuellement conduire à la création de "cryptos de banque centrale" (pour les curieux, voir ce papier de la BRI et ce blog par des experts de la Banque d’Angleterre). Chaque citoyen pourrait avoir un compte anonymisé à la banque centrale, qui serait l’équivalent électronique des billets. Quand vous avez un billet en main, vous détenez une créance sur la banque centrale (c’est pour cela que le billet est signé par le Gouverneur), même si le billet n’est plus convertible en or ; le billet est "anonymisé", puisque nul ne sait que vous avez le billet n°438967226836 en main, et nul ne peut contrôler l’usage que vous en faites. On peut imaginer que chaque citoyen pourrait avoir un compte à la banque centrale (ce qui est le cas dans certains pays, pour des employés de la banque centrale voire des dirigeants politiques) - la technologie blockchain permettant en outre d’anonymiser ce compte (afin de protéger la vie privée).

Resterait la question de qui serait à l’origine des prêts : a priori, difficile de se passer des banques, car donner cette responsabilité à une autorité publique se finit mal, en général (prêts à des amis, des proches du pouvoir, sans considération pour le risque puisqu’il n’y a plus d’objectif de rentabilité).

Mais les partisans de la "monnaie pleine" n’explorent guère ces problématiques intéressantes. Je trouve que leur proposition souffre de failles logiques, d’un amateurisme évident, et des biais habituels aux détracteurs des banques (faire peur aux déposants etc.). En outre, peu de pays bénéficient de la prospérité créée par l’activité bancaire autant que la Suisse, et peuvent compter sur une banque centrale aussi compétente que la BNS.

Dernière modification par Scipion8 (21/02/2018 00h46)

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[+1]    #12 21/02/2018 08h04

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Merci à okavongo pour la création de la file, et à Scipion (principalement, mais aux autres intervenants également) pour toutes ces informations. C’est un sujet très intéressant et d’une grande profondeur.

Comme je n’y connaissais à vrai dire pas grand-chose (pour ne pas dire rien), j’ai pris quelques notes au fil de mes lectures pour me faire une petite synthèse perso. Apres coup je me suis dit que ca pourrait finalement être intéressant de la publier, d’une part pour savoir si j’ai bien cerné les grandes lignes du sujet, et d’autre part car cette synthèse m’a amené à me poser quelques questions auxquelles je ne crois pas avoir vu de réponses dans cette fil. Si vous pourriez donc m’éclairer sur ces points, je vous en serais reconnaissant.

Mandat de la BCE: maintenir la stabilité des prix, autrement dit maintenir l’inflation inferieure à, mais proche de, 2%.

Moyens :
• Modifier le taux directeur (méthode « conventionnelle »). Le taux directeur est le taux auquel la BCE prête aux autres banques. Lorsqu’une banque quelconque fait un prêt à un client (immobilier, consommation..), elle emprunte elle-même de l’argent à la BCE, qu’elle prête ensuite au client. Le taux d’emprunt sera donc à priori taux directeur+x, x étant une fonction du risque et de la marge souhaitée.
Lorsque la BCE baisse le taux directeur, elle baisse donc indirectement les taux d’intérêts de manière globale (dans sa zone d’influence évidemment). Cela a pour conséquence d’augmenter la masse monétaires des emprunts (car ils sont moins « chers » donc plus intéressants) et donc d’augmenter la consommation et l’investissement, donc in fine l’inflation. De manière similaire, augmenter le taux directeur diminue l’inflation.
Conclusion : l’inflation est une fonction décroissante du taux directeur.
• Lorsque le taux directeur atteint 0, on ne peut plus le baisser (pourquoi ?). Mais si malgré ça la déflation menace, ou que l’inflation constatée n’est pas suffisamment élevée il faut appliquer une autre méthode pour la relever, en l’occurrence le QE.
Le QE consiste à acheter -massivement- des actifs peu risqués (en priorité). Par exemple des obligations d’Etat stable comme l’Allemagne. Deux impacts principaux :
      o Afflux massif de liquidité vers ces actifs. Autrement dit la demande augmente, donc mécaniquement l’offre devient plus chère. La conséquence est une rentabilité de ces actifs de plus en plus faible.
      o Les actifs peu risqués voient leur rendement diminuer. Les investisseurs se tournent donc vers d’autres produits (plus risqués forcement car les moins risqués ont tous été rachetés) pour avoir des rendements plus élevés.
       Exemples :
              Pour les banques (commerciales) ça peut être faire des prêts à des particuliers / entreprises plutôt qu’acheter des obligations. Des prêts qui ont donc une utilité forte et directe pour l’économie du pays.
              Pour les particuliers ça peut être des achats d’actions ou immobilier, ce qui « relance l’économie »

Quelques observations :
• La méthode « taux directeur » est plus efficace que le QE (car plus « directe » ?). Son effet s’observe a plus court terme et il y a moins d’effets secondaires sur le marché. Le QE est utilisé en dernier recours.
• Pour le QE, la BCE « crée » de la monnaie (en l’ajoutant évidemment en contrepartie à son passif) pour l’achat massif de titres. Pas forcément grand-chose à dire là-dessus mais je ne l’ai réalisé qu’après-coup et ça m’a « surpris » (même si quand on y pense c’est logique).
• Plus simplement on peut dire que le but du QE est
           1) identifier des secteurs fortement bénéfiques à l’économie et d’autres faiblement.
           2) on « manipule » le marché pour faire en sorte de diminuer le rendement des secteurs faiblement bénéfiques à l’économie pour « forcer » les gens à avoir des investissement plus productifs.

Interrogations :
• Est-ce inenvisageable d’avoir un taux directeur inférieur à 0 ? Apres tout il existe bien des obligations d’état à rendement négatif.
• Le QE est-il uniquement possible dans le cas où le taux directeur atteint 0 ? Ou bien est-ce possible de l’utiliser quand il seulement « très faible » mais non nul ? En somme (plus pour ma culture et enrichir mes connaissances à ce sujet que par peur d’un risque), existe-t’il des règles prudentielles qui limitent l’utilisation du QE ou bien la BCE a toute latitude (dans le respect de son mandat) pour prendre les mesures qu’elle juge nécessaires ?
• Et forcement une question qui revient beaucoup : à quel point l’achat d’actions dans le marché secondaire bénéficie-t’il à l’économie d’un pays (ou d’une zone) ? Certains disent qu’il est nul car l’argent qui y est échangé par définition (du marché secondaire) ne va pas aux entreprises qui ont émis les actions mais à d’autres investisseurs. Evidemment c’est plus complexe que cela, et les plus-values peuvent finalement être réinjectées dans l’économie (en consommation, dans des investissements plus « directs »).
On peut en tout cas constater que les banques centrales qui font de l’assouplissement quantitatif semblent considérer que oui, les investissements dans un marché secondaire bénéficient à l’économie (mais plus lentement qu’en favorisant des emprunts).

Edit: quelques soucis de puces..

Dernière modification par Waffle (21/02/2018 08h08)

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#13 21/02/2018 12h37

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Felicitations pour ce post , de belles questions et d’exellentes réponses…

L’or est vu comment par les différents intervenants ? , totalement demodé dans le système economique actuel ? Ou une sécurité dont il faut tenir compte et qui va prendre de plus en plus d’importance dans le futur?.

Curieusement je le trouve de moins en moins utile, les mauvaises langues disent même qu’il est manipulé pour l’empêcher de monter à sa soit disant juste valeur.

Bref a t’il un bel avenir ou doit t’on le considerer comme du simple métal précieux dont la demande evolue au fur et a mesure des besoins industriels et bijoux plutot qu’en terme de garantie comme reserve dans les voutes des banques….


La fidélité est souhaitable en amour , mais elle est une tare sur les marchés.

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#14 21/02/2018 14h00

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Bonjour !

@Silicon, un peu hors sujet, mais je ne résiste pas à vous faire part de ce produit : lingot
;o)))


M07

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[+5]    #15 21/02/2018 18h13

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@Waffle : Merci, vous avez bien compris les grandes lignes de la politique monétaire et du QE, j’apporte quand même quelques précisions et compléments avant d’aborder vos questions (les points sur lesquels je ne reviens pas sont tous exacts).

Waffle a écrit :

Lorsqu’une banque quelconque fait un prêt à un client (immobilier, consommation..), elle emprunte elle-même de l’argent à la BCE, qu’elle prête ensuite au client. Le taux d’emprunt sera donc à priori taux directeur+x, x étant une fonction du risque et de la marge souhaitée.

Dans le bilan du système bancaire en zone euro, le refinancement BCE ne représente qu’une toute petite partie du passif (quelques points de pourcentage du bilan). Donc ce n’est pas vraiment exact de dire qu’une banque emprunte à la banque centrale pour pouvoir prêter à ses clients : pour une banque, le financement banque centrale n’est qu’une (petite) source de financement parmi d’autres (dépôts, emprunts sur le marché obligataire et sur le marché interbancaire, fonds propres etc.). Mais en influençant (par son taux directeur) cette petite partie du financement bancaire à court terme, la banque centrale parvient à influencer de proche en proche les coûts de financement des banques sur des maturités plus longues, donc leur coût de financement total, donc leurs conditions de prêt, donc l’économie réelle.

Avec le QE, la banque centrale ne se contente plus d’influencer directement le prix de la liquidité bancaire à court terme (rôle de la politique monétaire conventionnelle), elle agit directement sur les coûts de financement à plus long terme, notamment en faisant baisser les rendements obligataires souverains qui servent de benchmarks aux banques et autres agents économiques. En fait avec le QE, on "court-circuite" le marché monétaire, soit parce qu’il ne fonctionne plus (et donc ne peut plus transmettre la politique monétaire), soit parce que les taux à court terme sur le marché monétaire sont déjà à leur niveau "plancher" (zéro voire en-dessous).


En fait, en temps normal (pas de QE), la banque centrale fournit au système bancaire la liquidité dont il a besoin - pas plus, pas moins. C’est ce qu’on appelle l’allocation de liquidité neutre.

Comment la banque centrale détermine-t-elle ce besoin de liquidité du système bancaire ? Pour ce faire, la banque centrale étudie et prévoit son propre bilan (désolé, ça ce n’est pas forcément intuitif, par contre une fois que vous comprenez ça, vous comprendrez tout). En effet c’est la banque centrale qui crée la "monnaie banque centrale", par ses actifs et ses passifs, et sa contrepartie, c’est le système bancaire : quand la Banque de France achète un actif (disons un bon du Trésor) à BNP Paribas, elle remplace cet actif par du cash (de la "monnaie banque centrale") au bilan de BNP Paribas : elle injecte donc de la liquidité dans le système bancaire. Quand la banque vend un actif ou augmente son passif, elle absorbe de la liquidité. Donc si on regarde l’ensemble des actifs et des passifs (hors politique monétaire) de la banque centrale, on connaît la position globale de liquidité du système bancaire - soit un déficit de liquidité (comme en zone euro), soit un excédent de liquidité.


Le job de la banque centrale, c’est de gérer ce déficit ou excédent de liquidité pour bien transmettre sa politique monétaire au marché monétaire et aux banques, puis à l’économie réelle. Vous voyez que si le déficit de liquidité du système bancaire est trop petit, les opérations de refinancement de la BCE seront petites, donc le taux directeur de la BCE ne sera qu’un "ingrédient" marginal pour le coût de financement des banques, donc il risque de mal se transmettre à l’économie réelle, et donc la BCE risque de ne pas être capable de maintenir la stabilité des prix. Donc la BCE se débrouille pour qu’il y ait un déficit de liquidité suffisant, c’est-à-dire que le système bancaire soit suffisamment "dépendant" au refinancement BCE, pour être "sensible" au taux directeur. Pour ce faire, la BCE utilise notamment des réserves obligatoires (des dépôts que les banques doivent garder à la banque centrale sous peine de sanctions).

[Si les 2 derniers paragraphes ne vous semblent pas évidents, pas d’inquiétude, c’est normal ; j’y reviendrai plus en détail plus tard ; on peut quand même comprendre les grandes lignes de la politique monétaire, comme déjà fait dans votre résumé, sans comprendre tous ces détails techniques.]

Waffle a écrit :

Le QE consiste à acheter -massivement- des actifs peu risqués (en priorité). Par exemple des obligations d’Etat stable comme l’Allemagne.

Si j’ai cité les obligations souveraines allemandes, c’était surtout pour répondre à Juillet qui critiquait l’achat d’actifs risqués via le QE. En fait l’Eurosystème (BCE + Banques centrales nationales) achète des obligations souveraines de tous les Etats de la zone euro, pondérés selon leur participation au capital de la BCE (en gros, selon le PIB). En fait, avec le QE la banque centrale cherche surtout à acheter en quantité des actifs liquides (les obligations souveraines sont en général le segment de marché le plus liquide), qui respectent des critères minimaux de qualité / risque (donc en général, sauf cas extrêmes comme au Japon, une banque centrale va hésiter avant d’acheter des actions, même liquides).

Waffle a écrit :

La méthode « taux directeur » est plus efficace que le QE (car plus « directe » ?). Son effet s’observe a plus court terme et il y a moins d’effets secondaires sur le marché. Le QE est utilisé en dernier recours.

Disons que les mécanismes de transmission de la politique monétaire conventionnelle (le taux directeur) sont mieux connus que ceux du QE. L’expérience des grandes banques centrales avec le QE est assez limitée : 20 ans au Japon, 10 ans aux USA, 3 ans en zone euro. A l’échelle des banques centrales c’est assez peu, il faudrait plus d’observations [donc plus de crises :-) ] pour tirer des conclusions définitives. Mais en l’état actuel des connaissances, disons que la doxa majoritaire parmi ces banques centrales sur le QE est la suivante :
- le QE fonctionne, mais beaucoup mieux s’il est lancé de façon à la fois rapide et massive (par exemple Fed 2008-2009) que de façon plus graduelle (Japon fin années 1990) ;
- la communication sur le QE (notamment sur l’horizon et les montants ciblés) est essentielle à son efficacité ;
- le QE prend probablement plus de temps à atteindre l’économie réelle que la politique monétaire conventionnelle (mais c’est à relativiser : le QE est toujours lancé en temps de grande crise, où les agents économiques sont "traumatisés", donc moins réactifs aux mesures de la banque centrale) ;
- les effets du QE sont différenciés selon les pays, notamment selon l’importance des marchés de capitaux (le "ruissellement" partant des marchés de capitaux vers l’économie réelle est plus ou moins important / rapide).

Waffle a écrit :

Plus simplement on peut dire que le but du QE est
           1) identifier des secteurs fortement bénéfiques à l’économie et d’autres faiblement.
           2) on « manipule » le marché pour faire en sorte de diminuer le rendement des secteurs faiblement bénéfiques à l’économie pour « forcer » les gens à avoir des investissement plus productifs.

Votre argument se discute. Effectivement, une interprétation possible est que lorsque la banque centrale achète des titres souverains, "l’effet d’éviction" pousse les investisseurs privés vers des financements plus risqués et sans doute plus créateurs de richesse : c’est votre argument - sans doute pas dénué de vérité.

Une autre interprétation plus "orthodoxe", c’est que la banque centrale ne fait pas de "ciblage" particulier : le QE est une stratégie purement quantitative visant à noyer le système bancaire, et donc l’économie, sous une liquidité abondante et peu onéreuse. La banque centrale laisse les agents économiques décider de l’allocation de cette liquidité, ce qui doit permettre d’atteindre l’optimum économique (en principe, une banque centrale n’est pas compétente pour savoir si tel ou tel secteur est créateur ou non de richesse).

La BCE a été très prudente dans tout ce qui peut ressembler à du ciblage, donc est plutôt, au moins dans les discours, sur la seconde interprétation. D’autres banques centrales, notamment la Banque d’Angleterre, ont lancé des mesures non-conventionnelle "ciblées" sur des secteurs prioritaires pour l’économie : c’est un autre type de politique monétaire non-conventionnelle.

J’en viens à vos interrogations.

Waffle a écrit :

Est-ce inenvisageable d’avoir un taux directeur inférieur à 0 ? Apres tout il existe bien des obligations d’état à rendement négatif.

Oui, c’est envisageable d’avoir un taux directeur inférieur à 0. Il n’y a pas de limite technique à baisser le taux directeur. Le cadre opérationnel de la BCE lui permet sans problème de conduire des opérations de refinancement à taux négatif, même très négatif. Comme d’habitude, ces taux négatifs se transmettraient ensuite au marché monétaire, aux coûts de financement des banques, aux dépôts, et enfin à l’économie réelle.

Mais dans la pratique, il y a bien un seuil plancher au taux directeur. Imaginons que la BCE baisse son taux directeur à -5% (ce qui est possible techniquement, comme expliqué). Les banques qui ont des liquidités excédentaires seraient très pénalisées, car elles devraient "payer" des montants importants pour ces liquidités dont elles n’ont pas besoin. Par conséquent, ces banques baisseraient massivement leurs taux de dépôt pour "chasser" leurs clients "excédentaires" : elles vous infligeraient un taux négatif sur votre compte courant, dépôts à vue voire à terme etc.

Quelle serait la réaction rationnelle des agents économiques ? Evidemment, ils éviteraient de se faire pénaliser par ces taux négatifs, et ils préfèreraient garder tout ou partie de leur épargne liquide en cash sous l’oreiller : thésaurisation massive en dehors du système bancaire. Cela poserait de multiples problèmes, à la fois pour la circulation de la liquidité dans l’économie (pour laquelle les banques jouent un rôle essentiel) et en terme de stabilité financière (déstabilisation possible de certaines banques). En fait, des taux excessivement négatifs peuvent avoir un impact récessif sur l’activité économique, alors même que la banque centrale baisse son taux directeur précisément pour relancer l’économie !

A quel niveau observerait-on cette thésaurisation massive, néfaste pour l’économie ? Si on croit en la rationalité des agents économiques, la thésaurisation survient lorsque la "charge" représentée par les taux négatifs excède les coûts et risques liés à la conservation de montants importants de cash chez soi.

Par conséquent, le taux plancher théorique dépend de (1) la psychologie des agents économiques, (2) des coûts / risques de la conservation de cash chez soi (niveau de criminalité etc.), (3) la transmission plus ou moins complète des taux négatifs pour les banques aux agents économiques. On n’a qu’une connaissance théorique de ce taux plancher, car aucune banque centrale n’est "volontaire" pour le tester :-) Disons qu’on estime qu’il doit se situer autour de -1% à -0.5%, sans être sûr.

Waffle a écrit :

Le QE est-il uniquement possible dans le cas où le taux directeur atteint 0 ? Ou bien est-ce possible de l’utiliser quand il seulement « très faible » mais non nul ?

Le taux directeur vise le coût de la liquidité à court-terme, alors que le QE vise le coût de la liquidité à long-terme. En théorie, tout est possible. Mais en pratique, ça serait un peu étrange de lancer le QE alors que le taux directeur reste assez élevé (disons plus de 1-1.5%). Il doit y avoir une logique entre les 2 actions. Cela dit, dans une stratégie "shock and awe" une banque centrale désireuse de changer brutalement la psychologie des agents économiques peut annoncer un QE massif sans attendre d’avoir baissé le taux directeur à son niveau plancher.

D’autres considérations peuvent rentrer en ligne de compte : un taux directeur zéro voire négatif pénalise la profitabilité des banques, donc une banque centrale peut laisser son taux directeur à 0.5-1% tout en lançant le QE.

Sur tout ça, il faut dire qu’on est encore dans le domaine expérimental : la Fed et la BCE discutent beaucoup de comment harmoniser ou synchroniser leurs changements de taux directeurs avec leurs annonces sur le QE. C’est complexe et il y a des vues divergentes au sein même des banques centrales. Disons que tout le monde est d’accord pour dire qu’il faut une stratégie d’ensemble cohérente avec une cohérence étroite des mesures conventionnelles et non-conventionnelles, et une communication claire de la banque centrale.

Waffle a écrit :

existe-t’il des règles prudentielles qui limitent l’utilisation du QE ou bien la BCE a toute latitude (dans le respect de son mandat) pour prendre les mesures qu’elle juge nécessaires ?

L’idée directrice de la BCE c’est (1) d’utiliser toute la puissance de feu nécessaire à l’accomplissement de son objectif (la stabilité des prix), (2) dans le respect de son mandat :

1) Il n’y a donc pas de limite quantitative au QE : ce serait suicidaire (self-defeating) pour une banque centrale : on achète autant que nécessaire, jusqu’à ce que l’objectif de stabilité des prix soit atteint (il faut tuer la menace de déflation). Une banque centrale qui définirait une limite à son QE, ce serait un peu comme si un agent du SAMU vous disait : "je vais vous soigner jusqu’à une perte de sang maximale de x centilitres ; au-delà j’arrête" : vous auriez confiance ? Non, évidemment : le QE vise à changer la psychologie des agents économiques donc on sort la grosse artillerie surtout sans définir de limite au QE.

2) La contrainte essentielle pour la BCE c’est de n’acheter que des actifs qu’elle accepte déjà comme collatéral dans ses opérations de refinancement (la politique monétaire conventionnelle). Donc des actifs d’une certaine qualité (bon, tout est relatif, certains actifs sont moins bons). En fait, la BCE est plus encadrée dans ses achats que la Fed, la BNS ou la BoJ.

Waffle a écrit :

à quel point l’achat d’actions dans le marché secondaire bénéficie-t’il à l’économie d’un pays (ou d’une zone) ? Certains disent qu’il est nul car l’argent qui y est échangé par définition (du marché secondaire) ne va pas aux entreprises qui ont émis les actions mais à d’autres investisseurs. Evidemment c’est plus complexe que cela, et les plus-values peuvent finalement être réinjectées dans l’économie (en consommation, dans des investissements plus « directs »).
On peut en tout cas constater que les banques centrales qui font de l’assouplissement quantitatif semblent considérer que oui, les investissements dans un marché secondaire bénéficient à l’économie (mais plus lentement qu’en favorisant des emprunts).

D’abord un point général sans rapport avec la politique monétaire : un marché secondaire est nécessaire à un marché primaire qui fonctionne bien.

Imaginez qu’il n’y ait pas de marché secondaire pour des obligations souveraines : les investisseurs ne vont pas oser acheter des obligations de longue maturité, car sans marché secondaire ils seraient "bloqués" avec ces titres jusqu’à leur maturité : gros risque en cas de crise économique. Ils vont donc acheter uniquement des bons du Trésor à court terme. En conséquence, l’Etat aura une capacité réduite à lancer des projets d’investissement à long terme.

Idem pour le marché actions : si on vous dit qu’il n’y a pas de marché secondaire et qu’on vous oblige à acheter des actions, vous allez naturellement choisir celles aux dividendes les plus importants - pas les entreprises de croissance qui ne sont pas encore en position de verser des dividendes. Donc l’allocation du capital sera clairement sous-optimale pour l’économie.

Donc des marchés secondaires actifs, liquides, régulés, sont essentiels à l’intérêt général et à l’économie.

Le spéculateur intraday, et même le méchant vendeur à découvert, créent de la richesse pour l’économie et contribuent à l’intérêt général, car leur activité rend les marchés secondaires plus liquides. Cela justifie que cette activité spéculative (si souvent décriée) soit "rémunérée" (le spéculateur se rémunère sur les gains sur ses paris), et taxée de façon normale et non punitive. (Je présente la vision libérale orthodoxe - mais elle reste compatible avec l’idée de réguler - pas de punir - l’activité spéculative.)

C’est la justification fondamentale pour autoriser l’activité de spéculation (en la régulant sans l’écraser). Votre argument sur le "ruissellement" des profits de cette activité est un argument secondaire, mais pas faux.

S’agissant du QE, il faut bien comprendre qu’en noyant les marchés sous de la liquidité abondante et peu onéreuse, la banque centrale a un impact sur l’économie réelle. L’impact de liquidité fonctionne "de proche en proche". Je l’explique avec un exemple un peu simpliste :

Pas de QE :
- Mme Michu demande 800€ à BNP Paribas pour son projet de micro-entreprise.
- BNP Paribas (qui a 1000€ de liquidités à placer mais est marquée par la crise donc réticente à prendre des risques) préfère acheter des obligations souveraines pour 700€ et laisse de la liquidité excédentaire à la BCE pour 300€.
- Scipion (1000€ de liquidités à placer) achète des actions pour 1000€.
- Mme Michu ne peut pas financer son projet, et l’Etat, qui s’est endetté pendant la crise, fait face à des coûts de financement élevés. La déflation menace.

Avec QE :
- La BCE définit un taux directeur négatif et achète 500€ d’obligations souveraines (QE).
- BNP Paribas (toujours 1000€ de liquidités à placer) décide de ne plus avoir de liquidité excédentaire à la BCE, afin d’échapper aux taux négatifs.
- BNP Paribas achète des obligations souveraines pour 200€ - pas plus car elle subit "l’effet d’éviction" des achats de la BCE, et les rendements obligataires souveraines sont devenus très bas.
- Avec le reste, BNP Paribas (qui ne veut toujours pas prêter à Mme Michu) achète des actifs plus risqués, des actions, pour 800€.
- Scipion (toujours 1000€ de liquidités à placer) subit l’effet d’éviction des achats de BNP Paribas sur le marché actions (il peut évidemment acheter des actions, mais les multiples de valorisation sont devenus trop élevés à son goût) : il va acheter 200€ d’actions, et placer le reste (800€) en crowdfunding, dont Mme Michu va bénéficier pour son projet de micro-entreprise.
- Mme Michu peut lancer son projet. En outre, les coûts de financement de l’Etat ont baissé, ce qui lui permet d’emprunter à plus long terme et de financer des projets d’investissement. Le portefeuille actions de Scipion s’est bien valorisé : il va pouvoir dépenser une partie de ses plus-values (effet de richesse), ce qui bénéficiera à l’économie. La menace de déflation se dissipe.

@Silicon [en espérant que vous êtes encore là :-) ] :

En simplifiant, l’or a historiquement 3 usages essentiels :
1) réserve de valeur pour les agents économiques, donc protection naturelle contre l’inflation
2) réserve de valeur pour les banques centrales, servant à ancrer leur crédibilité (donc celles de leur devises fiat)
3) usages industriels et pour des bijoux


La valeur intrinsèque de l’or, c’est la somme de la "valorisation" de ces 3 "services". Pour analyser les perspectives à long terme pour l’or, il faut donc essayer valoriser ces 3 "services" en tenant compte des évolutions récentes et à venir sur chaque aspect :

1) La menace inflationniste est bien moindre aujourd’hui qu’il y a 30-40 ans : les banques centrales (en premier lieu la Fed avec Paul Volcker) ont vaincu l’hyper-inflation au début des années 1980. Tous les indicateurs d’anticipations d’inflation (sondages, pricing des obligations souveraines indexées sur l’inflation) indiquent un bon ancrage de ces anticipations. En outre, des facteurs structurels puissants (mondialisation, nouvelles technologies, vieillissement de la population) semblent jouer en faveur d’une baisse structurelle de l’inflation. Donc, si on croit (comme moi) que (a) les banques centrales sont capables de vaincre toute résurgence de l’inflation et (b) les facteurs structurels de long-terme sont beaucoup plus déflationnistes qu’inflationnistes, il y aura à long terme moins de demande pour l’or comme protection contre l’inflation. Donc cela doit peser à long terme sur la valorisation de l’or.

2) Toutes les grandes banques centrales détiennent de l’or dans leurs réserves de change. Cela reste la doctrine dominante parmi les banquiers centraux : grâce à son rôle unique, il est bon pour une banque centrale de détenir en permanence de l’or dans ses réserves (diversification). Cela dit :
(a) le lien entre stock d’or et crédibilité de la banque centrale est beaucoup moins direct aujourd’hui que par le passé ;
(b) les grandes banques centrales sont sans doute plus efficaces que par le passé pour défendre leurs devises, notamment par la coordination de leurs interventions sur le marché des changes, donc elles ont moins besoin de réserves importants que par le passé ;
(c) le nombre de devises fiat "à défendre" tend à se réduire, avec l’effet des devises régionales (dont l’euro est un exemple) : le besoin de réserves de change est beaucoup plus faible aujourd’hui dans la zone euro qu’il y a 30 ans quand il y avait 18 devises nationales à défendre.
Donc ce facteur doit également jouer négativement sur la valorisation de l’or, à long terme.

3) Alors là je n’y connais pas grand’ chose, mais il me semble que (a) la demande de bijoux en or croît structurellement grâce aux effets d’enrichissement liés à la globalisation (classe moyenne croissante en Inde, Turquie, etc.) et (b) l’or reste incontournable dans l’industrie (à confirmer ?). Donc ce facteur doit plutôt jouer positivement sur la valorisation de l’or, à long terme (?).

Au final le facteur 1 me semble très puissant, mais son effet négatif doit être en partie équilibré par le facteur 3. Je pense que le facteur 2 ne joue qu’à la marge. Les banques centrales sont très prudentes avant d’envisager toute opération de vente d’or (voir par exemple le Central Bank Gold Agreement, qui contraint / limite les ventes d’or des banques centrales).

Personnellement, j’envisage d’allouer au moins 1% de mon patrimoine financier à l’or (pour l’instant 0%), car je reconnais la nature unique et intemporelle de cet actif, et même si je ne suis pas convaincu des bonnes perspectives de valorisation de l’or, avoir une petite partie de mon patrimoine dans cet actif créerait de la valeur pour moi par effet de diversification. En revanche, en adepte des dividendes, je renâcle à détenir de l’or physique, je préfère donc a priori des actions minières or.

PS : Sur le caractère "manipulé" ou non du cours de l’or : ces suspicions sont inévitables dans un marché (a) illiquide, (b) oligopolistique (le "ticket d’entrée" est assez élevé) et (c) avec une forte présence (réelle ou potentielle) d’acteurs publics comme les banques centrales. Je pense que les fantasmes de manipulation dépassent la réalité. En pratique, les banques centrales ont une gestion très passive de leurs réserves d’or (par contre, quand elles achètent ou vendent, c’est parfois de façon importante, ce qui alimente les rumeurs incessantes).

Dernière modification par Scipion8 (21/02/2018 21h34)

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#16 21/02/2018 21h18

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Bonsoir Scipion8,

Encore 2 questions si je n’ai pas dépassé mon quota:

1) Peut-on imaginer que le bilan de la BCE ou de la FED atteigne d’ici 20 ou 50 ans 100% du PIB de leur zone?
Ou demandé autrement: existe-t-il une limite théorique à la taille du bilan d’une banque centrale?

2) Pourquoi les banques françaises et plus généralement européennes sont si peu capitalisées par rapport aux banques américaines ? Quel intérêt y trouvent elles?

Dernière modification par zeboulon (22/02/2018 07h54)


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#17 22/02/2018 03h46

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Merci beaucoup pour votre réponse, encore une fois très (très) complète et claire. J’ai globalement bien suivi le raisonnement général, je me réserve quelques relectures pour les points un peu plus techniques !

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[+3]    #18 22/02/2018 09h15

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@Zeboulon : [pour moi c’est comme pour le QE, il n’y a pas de quota :-) ]

1) Le mandat de la BCE et de la Fed ne leur fixe pas de limite quantitative à la taille de leur QE ou de leur bilan. Toutefois, il y a en fait une double limite à l’expansion d’une bilan d’une banque centrale :

a) La première limite est technique et un peu théorique : dans le cadre de la politique monétaire, la BCE (par exemple) ne peut prêter que contre du collatéral éligible, c’est-à-dire des actifs d’assez bonne qualité, et ne peut acheter que ces actifs-là. Le cadre de collatéral éligible de la BCE est très large (ce qui signifie une très grande puissance de feu potentielle) : l’ensemble des actifs éligibles doit se monter à environ 12-15 trillions € (contre une taille de bilan actuelle de l’Eurosystème de 4.5 trillions €, dont 2.3 trillions € pour le QE).

En théorie, la BCE (ou plus précisément l’Eurosystème) pourrait donc augmenter la taille de son bilan jusqu’à 12-15 trillions €, mais cela signifierait acheter l’ensemble des actifs éligibles (toute la dette souveraine etc.), donc c’est vraiment uniquement une limite théorique.

b) La deuxième limite est plus évolutive mais c’est la véritable limite à l’expansion du bilan d’une banque centrale : une banque centrale ne peut continuer à noyer le marché sous la liquidité que si les anticipations d’inflation restent ancrées à un niveau cohérent avec la stabilité des prix. Il serait très dangereux pour une banque centrale d’augmenter son bilan sans garder un oeil sur son objectif : vaincre la déflation, mais surtout pas en causant une hyper-inflation !

Le QE est d’utilisation délicate car il a des effets persistants (une fois acheté, c’est difficile pour une banque centrale de revendre un actif, donc le plus souvent l’actif reste au bilan de la banque centrale jusqu’à maturité) et la réaction des agents économiques est non-linéaire (c’est de la psychologie : une fois le spectre de la déflation vaincu, les agents économiques peuvent rapidement avoir des craintes d’inflation, comme on en a eu un bon exemple récemment aux USA).

En pratique, au moment d’enclencher le QE la banque centrale se fixe un objectif quantitatif (souvent exprimé en % PIB, effectivement), mais ne le communique pas au cas où elle aurait besoin d’ajuster le volume de ses achats, selon les réactions des marchés et de l’économie.

2) Sur la capitalisation des banques françaises vs. américaines :

- Un premier point général : du point de vue de l’actionnaire, un indicateur clef de performance d’une banque c’est le return on equity : si les fonds propres sont trop abondants (à cause d’une distribution insuffisante de dividendes, par exemple), le ROE sera bas et la banque sera moins attractive pour un actionnaire. Depuis la grande crise, les banques sont (un peu) moins obsédées par la maximisation de leur ROE, mais ça reste un indicateur essentiel de leur compétitivité.

- J’ai les plus grands doutes sur la réalité des chiffres reflétés par le graphique que vous citez. J’ai découvert le blog de ce Monsieur récemment (il avait été cité sur une autre file) : je pense pouvoir dire, sans le moindre risque, que ce Monsieur, qui se décrit comme "business économiste monétariste béhavioriste" ne comprend strictement rien à l’activité et au bilan d’une banque centrale, et sans doute pas beaucoup plus à ceux d’une banque commerciale. N’importe qui ici qui aurait un peu lu mes messages a sans doute une compréhension bien meilleure de la politique monétaire. Juste à titre d’illustration, il ne cesse de parler de "faillite" de la BCE, comme si une banque centrale pouvait faire "faillite" : cela pourrait même être la définition d’une banque centrale = "le seul agent économique qui a un risque de faillite nul". Je passe sur les idées politiques étranges, je dirais juste que (1) la passion politique (quelle qu’elle soit) est mauvaise conseillère quand on veut faire de l’analyse économique, et (2) en 10 ans à la BCE en première ligne du travail sur les mesures non-conventionnelles, même en fouillant bien derrière les rideaux et dans les armoires, je n’ai pas trouvé trace d’illuminati ou de méchants "musulmans". S’agissant des banques (qui apprécient évidemment modérément de se faire décrire comme des escrocs), ce Monsieur semble bien occupé au niveau judiciaire, ce qui est un hobby comme un autre.

- S’agissant du véritable risque bancaire, vous avez 2 sources principales d’information que je conseille d’utiliser de façon croisée :

a) Les données des superviseurs, notamment les stress tests : les derniers résultats tests (stress tests de 2016) suggèrent que les banques françaises ne se situent pas trop mal, en termes de résilience aux chocs, par rapport à leurs rivales européennes. Un nouveau stress test européen sera conduit cette année, il faudra examiner les résultats attentivement : ces stress tests sont un outil imparfait (utilisation d’hypothèses plus ou moins crédibles, complexité), mais c’est quand même une information nouvelle précieuse pour qui s’intéresse au risque bancaire.

b) L’appréciation du risque bancaire par les marchés, en premier le marché des Credit Default Swaps (CDS, assurance contre le risque de défaut d’un émetteur obligataire) : les CDS ont les grands avantages de (1) permettre une comparaison directe entre émetteurs (ce sont des produits standardisés) et (2) refléter l’opinion de professionnels du risque (en fait les signaux du marché des CDS sont, selon mon expérience, parfois meilleurs que l’information des superviseurs).

En termes de CDS à 5 ans (plus le CDS est élevé, plus le risque perçu de défaut à un horizon de 5 ans est élevé), BNP Paribas se situe actuellement à 31 points de base (bps), SocGen 32 bps, Crédit Agricole 30 bps, Crédit Suisse 56 bps, UBS 27 bps, HSBC 26 bps, Deutsche Bank 94 bps, JPMorgan 47 bps, Citigroup 51 bps, Goldman Sachs 62 bps, et juste pour information même si ce n’est pas une banque, Berkshire Hathaway 55 bps. Donc le marché ne pense pas que les banques françaises soient plus risquées que les banques américaines. (Mais cette appréciation du marché reflète non seulement la qualité du bilan, mais aussi l’appréciation du soutien implicite des Etats au secteur bancaire - sans doute plus fort en Europe qu’aux USA, où la Fed a démontré en 2008 qu’elle pouvait accepter la liquidation d’une banque systémique.)

AMF : Actionnaire BNP Paribas et HSBC.

Dernière modification par Scipion8 (22/02/2018 09h44)

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#19 22/02/2018 10h10

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1) 12-15 trillions EUR. Ca répond à ma question. On a de la marge! J’en conclus qu’une fois que ce niveau aura été atteint (après 2 nouvelles crises peut-être), il faudra trouver de nouvelles armes?

2) Merci, vous avez au passage donné votre avis sur le blog de M. Chevallier, cela m’aide.

Il y a des sources un peu plus officielles qui confirment le leverage élevé des banques européennes comme ci-dessous:

Center of Risk Mangement Lausanne : Welcome



Selon le screener du FT, Citigroup et BNP ont le même ROE (cf ci-dessous) mais BNP ayant un leverage bien plus élevé, Citigroup semble bien moins risqué en tant qu’investisseur non?



EDIT: je n’avais pas bien lu jusqu’au bout vos explications sur les CDS. Cela répond au final à ma question. Selon vous les CDS sont plus pertinents que le leverage pour apprécier le risque associé à une banque.

Dernière modification par zeboulon (22/02/2018 10h56)


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#20 22/02/2018 10h22

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Scipion8 a écrit :

- J’ai les plus grands doutes sur la réalité des chiffres reflétés par le graphique que vous citez. J’ai découvert le blog de ce Monsieur récemment (il avait été cité sur une autre file) : je pense pouvoir dire, sans le moindre risque, que ce Monsieur, qui se décrit comme "business économiste monétariste béhavioriste" ne comprend strictement rien à l’activité et au bilan d’une banque centrale, et sans doute pas beaucoup plus à ceux d’une banque commerciale.

Je ne peux que confirmer. On a, sur le forum de l’IH il y a quelques années, pas mal échangé sur ce que ce Monsieur écrivait sur son blog (son blog était même à l’époque dans la webographie de l’IH, et ne l’est plus à présent).
Ce dont je me souviens de ces échanges c’est que :
     - ce Monsieur racontait souvent des choses inexactes, ou n’avait pas compris le sujet;
     - ce Monsieur censurait sur son blog (à une époque systématiquement) les commentaires questionnant ou mettant en doute ses écrits.
Vous devriez aisément retrouver ces échanges (avec site:www.investisseurs-heureux.fr chevallier blog - Google zoeken).


J'écris comme "membre" du forum, sauf mention contraire. (parrain Fortuneo: 12356125)

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[+1]    #21 22/02/2018 21h22

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Waffle a écrit :

Lorsqu’une banque quelconque fait un prêt à un client (immobilier, consommation..), elle emprunte elle-même de l’argent à la BCE, qu’elle prête ensuite au client. Le taux d’emprunt sera donc à priori taux directeur+x, x étant une fonction du risque et de la marge souhaitée.

Pour compléter un peu la réponse précédente, je vais développer un peu la manière de
déterminer le taux appliqué aux clients pour une banque.

Comme évoqué, le refinancement à court terme est une source marginale de financement.
Donc la banque ne se base pas sur un taux court terme pour financer sur 20 ans.
D’autres part, une banque ne se re-finance pas "prêt par prêt".
Elle ne va pas faire un prêt de 100 pour prêter 100 à un client.
Par contre elle va bien suivre cette logique théoriquement pour définir le
coût et donc le prix pour le client.

La banque au jour le jour détermine le coût qu’elle aurait pour emprunter de l’argent
à des maturités différentes (taux swap). A court terme c’est le marché interbancaire
influencé par les taux directeurs, et à long terme c’est basé sur l’OAT française + spread
(une banque empruntera à long terme sur le marché obligataire à un taux supérieur à l’état,
ce spread matérialise la différence de qualité de signature) pour une maturité donnée.
Vous pouvez vous amusez à regarder la corrélation des variations des taux des prêts
immobiliers avec celles des taux de l’OAT.

Une banque va déterminer le prix d’un prêt, au moment de l’accorder, en fonction du
coût à l’instant T des ressources sur le marché, un peu comme si théoriquement elle
se re-financer prêt par prêt mais c’est théorique.

Pour transformer des taux de marché (in fine) en taux d’un prêt amortissable,
la banque calcul un taux de cession interne (je peux développer pour les curieux sur le côté mathématique),
qui exprime le coût financier d’un prêt amortissable sous forme de taux.
Il ne prend pas en compte des coûts administratifs,la prime de risque du client.
Pour grossir le trait, c’est le taux théorique auquel votre conseiller
achète l’argent sur le marché puis il vous vend cette argent à un taux supérieur.
C’est la même chose pour les dépôts. Votre conseiller vous achète de l’argent
(au taux de rémunération du livret) et le revend plus cher sur le marché.

Marge d’un prêt = Taux client - TCI
Marge d’un dépôt = TCI - Taux client

Si vous parlez de TCI à votre conseiller, il va peut être faire des gros yeux.
Car suivant la politique interne des banques, ce n’est pas forcément communiqué aux conseillers,
et ils n’en savent pas vraiment l’existence où le mécanisme.

Scipion8 a écrit :

Imaginons que la BCE baisse son taux directeur à -5% (ce qui est possible techniquement, comme expliqué). Les banques qui ont des liquidités excédentaires seraient très pénalisées, car elles devraient "payer" des montants importants pour ces liquidités dont elles n’ont pas besoin. Par conséquent, ces banques baisseraient massivement leurs taux de dépôt pour "chasser" leurs clients "excédentaires" : elles vous infligeraient un taux négatif sur votre compte courant, dépôts à vue voire à terme etc.

Je pense que vous avez volontairement simplifié, en n’évoquant que le taux
directeur principal, mais c’est déjà la "situation actuelle".
Le taux de dépôt au jour le jour à la BCE est à - 0.40% actuellement.
Une partie des dépôts des banques à la BCE est rémunéré au taux principal de
refinancement à 0%. Cette partie correspond aux réserves obligatoires. M
ais tous le reste du cash est actuellement rémunéré à -0.40 % par la BCE.
Et il y a déjà plusieurs banques européennes qui appliquent des taux négatifs à
des gros déposants (corporate, institutionnels).


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[+2]    #22 23/02/2018 00h07

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@Nek : Exact, le taux directeur de la BCE (le taux auquel l’Eurosystème prête aux banques) est à 0% mais le taux de la facilité de dépôt (= taux de rémunération des réserves excédentaires des banques) est négatif depuis 2014 (actuellement -0.4%). Les 2 peuvent être négatifs, il n’y a pas d’obstacle technique.

Le taux négatif sur les réserves excédentaires a contribué à abaisser les taux des prêts bancaires. Bien sûr il a aussi pesé sur la rémunération des dépôts bancaires, même si à ma connaissance peu de banques ont jusqu’ici abaissé leurs taux sur les dépôts à des niveaux négatifs (ça a été le cas de quelques banques en Allemagne notamment).

Je suis un peu déconnecté de la zone euro maintenant, mais quand j’y travaillais encore, nos discussions avec les banques indiquaient qu’elles préféraient ne pas transmettre la "charge" du taux négatif sur leurs réserves excédentaires à leurs déposants. En revanche, elles essayaient de se rattraper sur les frais clientèle hors intérêts.

@Zeboulon :

1) Il est très improbable que les montants du QE BCE atteignent un jour des montants proches de 100% de sa puissance de feu potentielle (même 50% serait gigantesque), pour plusieurs raisons :

- Au fur et à mesure que la BCE achète des actifs (injectant de la liquidité), d’autres viennent à maturité (absorbant de la liquidité) : la discussion sur le QE se concentre surtout sur les volumes achetés, mais la maturité des titres achetés est aussi un paramètre crucial pour la banque centrale. En général, la banque centrale concentre ses achats sur des maturités moyennes (2-5 ans) : ainsi, si la menace de la déflation est vaincue plus rapidement que prévue, la banque centrale peut laisser l’impact de liquidité du QE se dissiper, simplement en attendant que les titres achetés viennent à maturité, sans les renouveler (elle peut même accélérer le mouvement en revendant des titres).

- En temps de crise, la dette de l’Etat tend à augmenter rapidement - ce qui augmente la puissance de feu potentielle de la banque centrale (puisqu’elle peut alors acheter davantage d’obligations souveraines).

Cela dit, dans un scénario "à la japonaise" (déflation très profondément ancrée dans la psychologie des agents économiques), la banque centrale peut conduire un QE perpétuel, épuisant peu à peu sa puissance de feu et créant des distorsions de marché énormes sur les segments ciblés (obligations souveraines, obligations corporates notamment). La banque centrale n’a alors d’autre choix que d’étendre ses achats à d’autres marchés, comme les actions, les REITs : c’est ce qu’a fait la Banque du Japon.

Les banques centrales n’aiment pas acheter des actifs trop risqués (comme les actions) ou difficiles à gérer (comme l’immobilier), mais c’est parfois nécessaire. A Chypre et en Grèce, l’aide de liquidité d’urgence fournie par la banque centrale à des banques en stress de liquidité a été en partie collatéralisée par des actifs "non-conventionnels" (prêts bancaires, immobilier). Donc dans un scénario déflationniste extrême la BCE trouverait des réponses appropriées, même s’il faudrait alors peut-être réviser son mandat (champ des actifs achetables).

2) Le leverage est un indicateur pertinent du risque bancaire, mais les comparaisons Europe / USA sont difficiles en raison des différences de normes comptables (par exemple en termes de netting actifs / passifs) : voir ce message de sijetaisriche en 2011, en commentaire des analyses de M. Chevallier.

Pour des comparaisons internationales (Europe / USA) de risque bancaire, les CDS sont effectivement appropriés, de même que les ratings de S&P / Moody’s / Fitch, qui appliquent une même méthodologie à toutes les banques, et doivent pouvoir neutraliser les effets des normes comptables différentes. Dans leur méthodologie d’évaluation du risque bancaire, les agences de notation prennent en compte autant la qualité du bilan que le soutien implicite de l’Etat. Mon impression est que le soutien implicite de l’Etat aux banques systémiques est nettement plus fort en Europe (particulièrement en France) qu’aux USA : difficile d’imaginer que l’Etat français laisse tomber une banque systémique, alors que c’est arrivé en 2008 aux USA.

Personnellement, dans une optique d’investissement dans le secteur bancaire, je regarde surtout le business model (et la profitabilité et la croissance, bien sûr) : ce qui m’intéresse surtout, c’est la part de la banque de détail (a priori moins risquée) vs. la banque d’investissement dans le bilan et les résultats d’une banque. Je préfère les banques avec une activité de détail solide, si possible diversifiée internationalement. Bien que connaissant assez bien le secteur bancaire, je le sous-pondère globalement dans mon portefeuille, car je reconnais que c’est un secteur risqué et avec une grande difficulté d’analyse du bilan et des risques (même pour un expert).

@GBL : Merci, j’avais loupé ces multiples discussions sur le blog de M. Chevallier. Ce qui est vraiment frappant, c’est qu’il continue à commenter les  mêmes sujets depuis au moins 8 ans sans jamais s’approcher de la vérité. Mais c’est sûr qu’une bonne façon de garder des oeillères et de persister dans l’erreur est de rejeter d’emblée tout commentaire critique…

Pour être un peu moins négatif, l’analyse des bilans est à mon sens une des meilleures approches pour l’analyse macroéconomique. J’y ai eu recours à de multiples reprises dans mon travail en banque centrale : pour analyser une mesure de politique monétaire, je schématise l’économie par les bilans (1) de la banque centrale, (2) du système bancaire, (3) des ménages, (4) des entreprises non-financières, et (5) de l’Etat. Cela permet de réfléchir de façon systématique aux flux entre ces agents économiques et à l’effet des mesures de politique monétaire (le QE, par exemple). Donc je confirme que l’analyse des bilans de la banque centrale (et des banques, bien sûr) est une bonne approche, trop rare du fait de son côté technique.

Un bilan de banque centrale ne s’analyse pas du tout comme celui d’une banque. Il faut maîtriser quelques concepts (rien de trop compliqué) avant de s’y lancer. En fait très peu de personnes savent vraiment comprendre et analyser vraiment un bilan de banque centrale, même au sein des banques centrales : mon employeur actuel me paie pour diffuser ces compétences dans les banques centrales de pays émergents (où parfois, personne ne comprenait). En Europe, j’estime qu’il n’y a pas plus d’une douzaine d’économistes, hors banques centrales, qui savent analyser un bilan de banque centrale. Donc l’objectif que s’est fixé M. Chevallier est ambitieux, et il aurait dû depuis longtemps discuter calmement avec des banquiers centraux (si par hasard il nous lit, il peut me contacter, évidemment si l’échange est poli et dénué de délires conspirationnistes).

A l’occasion je posterai ici un message sur les bases de l’analyse de bilan de banque centrale - mais alors on risquera d’approcher le niveau "pro" de la politique monétaire :-)

Dernière modification par Scipion8 (23/02/2018 08h19)

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#23 23/02/2018 22h13

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Scipion8 a écrit :

Le taux négatif sur les réserves excédentaires a contribué à abaisser les taux des prêts bancaires. Bien sûr il a aussi pesé sur la rémunération des dépôts bancaires, même si à ma connaissance peu de banques ont jusqu’ici abaissé leurs taux sur les dépôts à des niveaux négatifs (ça a été le cas de quelques banques en Allemagne notamment).

A la place, les banques (principalement traditionnelles) ont (re)mis en place des frais de gestion d’un compte actif ou des frais de tenue de compte. L’inflation de ces frais est assez notable depuis quelques années.

J’ai une question pour vous Scipion. Je trouve très pénalisant pour le marché de ne pas obtenir les transcripts des discussions des réunions de la BCE et donc le détail de votes pour essayer d’en apprendre plus et comprendre leurs logiques. On a l’impression que les décisions sont parfois driver par des problèmes de personnes que pour la recherche de solution. La FED n’est également pas si transparente mais au moins, contrairement à la BCE, il faut attendre 5 ans pour avoir le détails des échanges.
Pourquoi cette non-transparence de la BCE ? Sont-ils (les membres votants) vraiment engagés ? Est-ce que les problèmes de pouvoir (ego/politique/réputation..) nuisent aux décisions et communications aux marchés ?

Dernière modification par niceday (23/02/2018 22h14)

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[+3]    #24 24/02/2018 11h08

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Bonjour Niceday,
La prise de décision et la communication de la BCE sont des sujets intéressants ! Je commence par des éléments factuels avant d’ajouter mon interprétation et mon expérience personnelles.

Quelques éléments factuels sur le processus de prise de décision et la communication de la BCE :

1) Les 2 organes décisionnaires de la BCE sont :

- le Directoire (Executive Board), qui regroupe 6 Membres en charge de la gestion de la BCE et de préparer les décisions de politique monétaire : notamment Draghi, le Président, Constancio, le Vice-Président, Praet, en charge des affaires économiques, et Coeuré, en charge notamment des opérations de marché ;

- le Conseil des Gouverneurs (Governing Council), qui regroupe, outre les 6 Membres du Directoire, les Gouverneurs des 19 Banques Centrales Nationales (BCN / NCB) (dont Villeroy de Galhau, pour la Banque de France). Ces Gouverneurs ne sont pas là en leur qualité de Gouverneurs des BCN, mais en qualité personnelle : c’est une précision importante, car lors des discussions du Conseil des Gouverneurs, chaque Gouverneur n’exprime la position de sa BCN, ou de son pays, mais sa position personnelle sur la situation de la zone euro dans son ensemble. Il serait très "politiquement incorrect" pour un Gouverneur de ne parler que de la situation économique dans son pays (il ne peut éventuellement le faire que pour illustrer un point plus général pertinent pour la zone euro dans son ensemble). L’élargissement de la zone euro a conduit à définir une rotation annuelle des droits de vote (pour ne pas avoir un nombre excessif de votants) : actuellement 4 Gouverneurs (dont Villeroy de Galhau) n’ont pas de droit de vote.

2) Le Directoire est chargé notamment de préparer les décisions de politique monétaire : le niveau du taux directeur et des autres taux de la BCE (taux de la facilité de prêt marginal, taux de la facilité des dépôts), les éventuelles mesures non-conventionnelles de politique monétaire (par exemple le QE). La proposition du Directoire est débattue par le Conseil des Gouverneurs avant la prise de décision.

3) La réunion du Conseil des Gouverneurs suit un agenda standard :

- le Membre du Directoire en charge des affaires économiques (actuellement Praet) présente la situation économique de la zone euro (croissance, inflation, anticipations d’inflation, masse monétaire…) et, sur cette base, la proposition du Directoire sur "l’orientation de la politique monétaire" (monetary policy stance = taux directeur essentiellement et éventuel besoin de mesures non-conventionnelles).

- puis le Membre du Directoire en charge des opérations de marché (actuellement Coeuré) présente la situation des marchés financiers (qui servent essentiellement de signaux avancés sur la situation économique et sur les anticipations sur la politique monétaire de la BCE). Sur cette base, il présente ses propositions éventuelles sur "la mise en oeuvre de la politique monétaire" (monetary policy implementation = opérations, rythme du QE…). (J’ai souvent rédigé ce discours.)

- ensuite les Gouverneurs discutent, échangent des arguments, en faveur ou contre la proposition du Directoire (ils peuvent proposer des ajustements).

- enfin, le Président dégage la synthèse des discussions, qui peut inclure ou pas des ajustements par rapport à la proposition initiale du Directoire. Le Président a donc un rôle crucial : c’est lui qui, sur la base des discussions (qu’il observe en général assez silencieusement - enfin, ça dépend de sa personnalité), dégage une synthèse, un "équilibre" qui reflète la position "consensuelle" du Conseil des Gouverneurs (cela requiert de grandes qualités d’esprit de synthèse et de leadership - soit purement intellectuel, comme Draghi, soit par l’expérience et la gravitas, comme Trichet).

4) En général (>95% du temps), les décisions du Conseil des Gouverneurs ne requièrent pas de vote (à la différence du FOMC pour la Fed, qui vote systématiquement). La BCE n’aime pas trop les votes, qui tendraient à "mettre en opposition" des Gouverneurs qui, certes sont là à titre personnel, mais représentent quand même implicitement des pays. C’est le job du Président de dégager une synthèse acceptable pour tous les Gouverneurs. Le plus souvent, il y parvient. Parfois, ce n’est pas possible (notamment, dans la période récente, en raison de l’opposition de la Bundesbank à des programmes non-conventionnels comme l’OMT et à une moindre mesure le QE). Même si c’est le cas, en général il n’y a pas de vote : le Président propose sa synthèse, et "prend note" des "réserves" (plus ou moins fortes) de tel ou tel Membre du Conseil des Gouverneurs, qui sont consignées dans les minutes confidentielles de la réunion.

5) Le Président communique alors la décision du Conseil des Gouverneurs juste après la fin de la réunion, par une conférence de presse où il est assisté par le Vice-Président (qui parle rarement). Sur les décisions sensibles, en général les journalistes demandent s’il y a eu consensus ou non : le Président répond en général de façon sibylline, mais pour qui sait lire entre les lignes, on comprend que la décision a été plus ou moins facile et consensuelle. Il faut bien voir que cette conférence de presse est un exercice de grande transparence pour la BCE : même si chaque mot est pesé au trébuchet (le Président doit être un excellent communicant, ce qui est le cas surtout pour Draghi), en lisant très attentivement le transcript de cette conférence de presse on peut comprendre beaucoup de choses sur la politique monétaire actuelle et à venir. La Fed s’est d’ailleurs inspirée de la BCE pour lancer sa propre conférence de presse après les réunions du FOMC (je suis un grand admirateur de la Fed en général, mais franchement Yellen ne m’impressionne pas, au contraire de Bernanke, par ses qualités de communication).

6) Depuis 3 ans, la BCE publie aussi un compte-rendu de la discussion du Conseil des Gouverneurs : voir le dernier ici. C’est un bon complément de la conférence de presse (perso, je préfère la conférence de presse). Pour en saisir la substantifique moelle, il faut faire attention à chaque mot : "members widely agreed…", "there was broad agreement…" etc. indiquent implicitement s’il y a eu consensus ou pas, si les opinions divergentes de la majorité étaient nombreuses ou pas. Bon, je trouve ce compte-rendu quand même assez fade en comparaison des minutes confidentielles (qui retranscrivent les opinions exprimées par chaque Gouverneur, individuellement) : malheureusement, ce qui les rédigent ont, comme moi, été longuement entraînés à la rédaction dans le style Pravda.

7) La BCE conserve des minutes détaillées confidentielles de chaque réunion du Conseil des Gouverneurs. Ces minutes reflètent la discussion beaucoup plus en détail, avec les arguments échangés par les Gouverneurs, identifiés nominativement : une lecture souvent passionnante. Ces minutes sont ultra-confidentielles : à la BCE elles sont au niveau "secret", c’est-à-dire qu’elles ne sont diffusées qu’au format papier, au niveau des Directeurs Généraux en charge des domaines essentiels (affaires économiques, opérations de marché, affaires internationales). Je ne pouvais les lire moi-même que dans le bureau de mon Directeur Général, quand je devais préparer le prochain discours de mon Membre du Directoire. Si je ne m’abuse, ces minutes sont gardées secrètes pour une durée de 30 ou 50 ans… Donc vous connaîtrez bien les détails de ces discussions, il suffit juste d’être un peu patient :-)

Maintenant quelques éléments plus personnels d’interprétation :

a) Le "manque de transparence" de la BCE est quand même à relativiser : la conférence de presse est vraiment un bel exercice de communication - j’invite ceux qui comprennent l’anglais ici à la suivre au moins une fois. Quand on la suit régulièrement, on finit par lire entre les lignes, et on comprend peu à peu la façon dont la BCE réfléchit à sa politique monétaire. Et Draghi est un excellent communicant. En outre, la publication d’un compte-rendu des réunions du Conseil des Gouverneurs, même affadi par l’absence de mention nominative, apporte quand même un peu plus de transparence.

b) Le contexte institutionnel de la BCE, jeune banque centrale, n’est pas celui de la Fed. La Fed a une crédibilité bien ancrée par ses succès dans la lutte anti-inflation (notamment depuis la fin des années 1970) et sa façon de faire face aux crises successives. La BCE, banque centrale d’une monnaie nouvelle, doit encore ancrer sa crédibilité : je pense qu’elle a beaucoup fait pour cela pendant la crise, mais le combat est encore loin d’être gagné. Donc la BCE est naturellement rétive à être "trop transparente" sur sa réflexion sur la politique monétaire : si les minutes révèlent des "erreurs" dans l’analyse économique (qui sont évidemment toujours possibles), la crédibilité de l’institution pourrait en souffrir.

c) Le contexte politique de la zone euro n’est pas celui des USA. Même si les Gouverneurs participent aux décisions de la BCE en leur qualité personnelle, inévitablement ils sont influencés par la situation de leurs pays respectifs. Par exemple, l’interprétation de la stabilité des prix selon la définition de la BCE ("moins, mais proche, de 2%") varie d’un Gouverneur à l’autre : la Bundesbank interprète cela plutôt comme [0% - 2%] alors que la Banca d’Italia et la Banque de France l’interprètent plutôt comme [1.5% - 2%] (je simplifie). S’agissant des mesures non-conventionnelles les plus sensibles (OMT, QE), les divergences ont parfois été très fortes, avec d’un côté la France, l’Italie et l’Espagne (en faveur d’une politique monétaire "proactive") et de l’autre les Etats "vertueux" (Allemagne, Pays-Bas, Luxembourg, Finlande), partisans d’une politique monétaire plus conservatrice. Mettre ces divergences sur la place publique risquerait d’exacerber les tensions entre les opinions nationales - un risque qui n’existe évidemment pas pour la Fed.

d) Le niveau de compétence des Membres du Conseil des Gouverneurs est variable. Les membres du FOMC sont choisis sur la base de leurs compétences techniques (soit comme macroéconomistes, soit comme spécialistes des marchés) : ils sont (en général) très bons. Dans la BCN, le choix d’un Gouverneur de BCN tient bien sûr aussi compte de la compétence, mais est aussi parfois orienté politiquement. Et on ne peut attendre d’un Gouverneur d’une "petite" BCN le même degré de compétence que pour un Gouverneur d’une "grande" BCN (en général, hein, il y a des exceptions). Dans la pratique, les Gouverneurs des "grandes" BCN parlent beaucoup plus que ceux des "petites". Mais imaginons que l’on publie les minutes détaillées : les Gouverneurs des "petites" BCN, sous l’oeil médiatique, se sentiraient alors "obligés" d’intervenir systématiquement, sans nécessairement de valeur ajoutée au débat : cela ralentirait et compliquerait inutilement les discussions.

e) En général, la décision du Conseil des Gouverneurs dévie rarement de la proposition initiale du Directoire : publier les minutes révèlerait que le vrai centre de décision de la BCE est le plus souvent le Directoire, et non le Conseil des Gouverneurs. Ce pouvoir du Directoire résulte de plusieurs facteurs :

- il y a un "effet de groupe" des 6 Membres du Directoire, qui, sauf divergences exceptionnelles, s’agglomèrent autour du Président, en général charismatique soit par son intellect (Draghi), soit par sa gravitas et son expérience (Trichet). Même si la prise de décision est collégiale, le Président a un pouvoir extraordinaire, car (1) il est responsable de définir la "synthèse", (2) il a le (quasi) monopole de la communication, et (3) il peut jouer des divisions au sein du Conseil des Gouverneurs pour regrouper une "coalition" (le plus souvent implicite) majoritaire autour de sa proposition. Dans les faits, actuellement la BCE est en pratique dirigée par le duo Draghi / Coeuré (ce dernier étant à peu près le seul auquel Draghi reconnaît une valeur ajoutée à sa réflexion).

- le staff de la BCE est nettement plus compétent que celui des BCN : ayant travaillé des 2 côtés, je peux le dire sans risque. Le fait que les salaires BCE soient en gros les doubles de ceux des BCN joue beaucoup sur la qualité des experts, évidemment.

Dernière modification par Scipion8 (24/02/2018 11h11)

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#25 24/02/2018 23h25

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Je pense que Coeuré présente de bonne qualité pour être le successeur à la présidence fin d’année prochaine.
En effet, il me semble que c’est 50 ans pour les transcripts de la BCE et 5 ans pour la FED. Enfin peu importe 30 ou 50 ans c’est très dommage, 10 ans suffirait pour justifier une certaine prescription.
J’espère pouvoir être encore là pour les lire.

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