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EV/EBITDA : le meilleur ratio de valorisation bousier ?

07/06/2009 - La popularité du PER est immérité

Parmi la vingtaine d’ouvrages boursiers que j’ai lue, on nous “bassine” systématiquement avec le PER.

Sur les forums Boursorama, de nombreux intervenants investissent dans une société uniquement parce que le PER est faible et gare à vous si vous osez émettre quelques réserves !

Étrangement, dans une récente analyse de la société Rubis par Oddo MidCap, le terme PER n’apparaît même pas !

La vérité est-elle ailleurs ?

Les limites du Price Earning Ratio (PER)

Rappel sur le mode de calcul du PER

Je vous fait l’affront de vous le rappeler, le PER correspond au ratio capitalisation boursière/résultat net de l’exercice précédent.

Sur les sites financiers, on trouve parfois aussi les PER suffixé de l'année en cours, qui est calculé d’après le consensus des estimations du résultat net par les analystes pour l'exercice en cours.

Pour rappel, le résultat net, correspond au résultat d’exploitation + résultat financier + résultat exceptionnel - impôts sur les bénéfices (s'il y en a).

Le résultat net ne reflète pas forcément la santé de l’entreprise

Ce qui pose déjà un premier problème : le résultat net peut être influencé par des éléments non récurrents (financiers ou exceptionnels), en dehors du cycle naturel d’exploitation de l’entreprise.

Un cas courant est la vente du siège social ou de divers biens immobiliers. Ils sont généralement ensuite immédiatement reloués (on parle de sale and lease back) à l’acheteur. En attendant, cela permet de générer un résultat exceptionnel qui va “fausser” le résultat net.

D’autre part, le résultat net est influencé par des aspects purement comptables comme les dotations aux amortissements et aux provisions.

Dans les contextes difficiles, les dirigeants ont tendance à bien charger la barque et provisionnent à tout va, pour annoncer un résultat net d’exercice particulièrement mauvais, “en ligne” avec le contexte économique.

Sur l’exercice suivant, la société affiche ensuite un résultat net en forte croissance, grâce (évidemment, qu’est-ce que vous croyez !) aux choix stratégiques du dirigeant (mais aussi grâce à de belles reprises sur provisions tandis que le contexte économique s’améliore…).

Pour pallier à cela, Benjamin Graham suggère de calculer le PER avec le résultat net moyen des trois dernières années, mais cela “pénalise” les sociétés dont les résultats sont “fiables” et en croissance constante.

Le PER n’est pas calculable pas pour les sociétés en perte

Celui qui n’utilise que le PER pour évaluer les sociétés élimine du même coup toutes les sociétés en perte de son univers d’investissement, puisque avec un résultat net négatif, le PER est impossible à calculer.

Le PER ne tient pas compte de l’endettement

- Société A Société B
CA/action 100 € 200 €
RN/action 15 € 30 €
Dettes/action 0 € 400 €
Cours 150 € 150 €
PER 10 5

Au regard du PER, la société B parait moins chère que A et va apparaître dans le haut des résultats des screeners ou des palmarès, avec son PER de 5.

Mais la société A n’est pas endettée, tandis que B a un endettement qui vaut deux années de chiffre d'affaires et donc autant dire qu’elle ne vaut quasi-rien !

Le PER ne tient pas compte de la trésorerie

- Société A Société B
CA/action 100 € 200 €
RN/action 15 € 30 €
Dettes/action 0 € 0 €
Trésorerie/action 20 € 5 €
Cours 150 € 300 €
PER 10 10

Cette fois-ci, les deux sociétés ont le même PER, mais pourtant A est moins chère que B, car en achetant A, vous “achetez” aussi 20 € de trésorerie / action contre seulement 5 € pour B.

Le “véritable” PER de A est donc plutôt de (150 - 20) / 15 = 8,7 ; contre (300 - 5) / 30 = 9, 8 pour B.

EV/EBITDA et EV/CA

Axe d’amélioration au dénominateur du PER

Pour “améliorer” le PER, plutôt qu’utiliser le résultat net au dénominateur, on peut utiliser le chiffre d'affaires (ratio Price to Sales) ou le flux de trésorerie opérationnel (ratio Price to Cash Flow).

Le Price to Sales est intéressant car peu manipulable, mais il ne tient pas compte de la marge opérationnelle.

Le Price to Cash Flow est encore plus intéressant, car il se rapproche au plus près du cycle d’exploitation de la société, puisque le flux de trésorerie opérationnel (assez proche de l'EBITDA) est grossièrement un résultat d’exploitation qui ne tient pas compte des dotations aux amortissements et aux provisions. Il a donc peu de chance d'être pollué par des événements exceptionnels ou des éléments de nature strictement comptable.

Axe d’amélioration du numérateur du PER

En fait, il suffirait de retrancher à la capitalisation boursière, la trésorerie de l’entreprise, et d’y ajouter sa dette pour pallier aux deux problèmes du PER !

Évidemment, cela existe déjà et c’est appelé Enterprise Value ou Valeur d’Entreprise.

Les meilleurs ratios de valorisation

Deux ratios plus pertinents que le PER, sont donc :
- l’EV/Sales ou EV/Revenue ou Valeur d'Entreprise/Chiffre d'affaires ou VE/CA,
- l’EV/EBITDA ou VE/EBITDA.

D’ailleurs, les spécialistes du rachat d'entreprises avec effet de levier utiliseraient l’EV/EBITDA pour détecter leurs cibles potentielles, avec un EV/EBITDA inférieur à 6.

Les ratios VE/EBITDA et VE/CA sont disponibles sur nos screeners actions :

Ces deux ratios sont particulièrement utiles pour comparer la valorisation d'entreprises opérant dans le même secteur d'activité.

 

7 commentaires

Commentaire
1) jmcornet
13/06/2009
Bonjour,
en un mois vous réalisez 7 opérations, ça me semble beaucoup dans un portefeuille de 15 lignes, et notamment en contradiction avec l'investissement dans la valeur, soit avec un horizon de long terme. Grosso modo, vous êtes sur un rythme de renouvellement du portefeuille tous les 5 mois, ça me semble court.
J'aimerais connaître votre analyse sur ce point.
Bien cordialement,
Réponse de Philippe
Philippe
14/06/2009
Bonjour,

Je suis passé de 43% de liquidités à 31%. Je me suis juste positionné sur des actions à des cours intéressants. Je ne compte pas descendre sous 30% de liquidités, donc l'avenir sera bcp plus calme.

Mon arbitrage sur Belgacom est discutable, en fait cette société ne respectait pas mes critères de flottant et j'avais fait abstraction du fait de son dividende et de ces qualités, mais j'ai pu la switcher pour Deutsche Telecom.

Sinon, j'ai posté le billet de demain aujourd'hui, ou je mets point par point comment a été constitué le portefeuille et comment tout mouvement sera justifié sur ce blog par la suite, car vous avez raison, ça fait un peu "girouette" sinon.
Commentaire
3) Qpado
15/06/2009
Bonjour Philippe,

Pouvez-vous détaillez ce qui vous avait poussé à rentrer dans Belgacom. Seul le flottant vous pose problème (et pourtant, ce paramètre n'a pas évolué depuis votre entrée) ou y a-t-il d'autres raisons à votre arbitrage vers DT ?

De plus, vous semblez porté sur les télécoms. Ces valeurs ne manquent pas d'atout mais il y a un élément en Europe qui attire l'attention : la pression réglementaire de l'UE. Les opérateurs sont sous pression de par les règles d'ouverture de marchés et surtout par la pression sur les prix (limites hautes pour le roaming, etc.). Dans mes tentatives de valorisations, je prend en compte (à l'oeil) une légère baisse de résultats pour tous les opérateurs qui risquent d'être sous pression. Qu'en pensez-vous ?

En tout cas, félicitations pour le blog qui propose un ensemble pertinent de données et où des discussions intéressantes (via les commentaires) prennent vie.
Réponse de Philippe
Philippe
16/06/2009
Bonjour !

Oui c'est agréable ces commentaires, en plus je les reçois directement dans ma boite email, ça me fait faire une pause. J'avais aussi penser ajouter un forum mais il y en a déjà assez comme ça sur le net !

Pour Belgacom, je l'avais mis en portefeuille en dépit de son flottant parce qu'elle me semblait pas chère et que je voulais une forte composante télécom dans mon portefeuille. S'il n'y avait eu cette opportunité (à mon sens) sur Deutsche Telecom, j'aurais conservé.

Il y a effectivement des pressions déflationnistes sur les opérateurs télécoms européens, mais profitant de leur cash flow récurrent, ils vont chercher la croissance ailleurs (en Afrique pour France Telecom, en Amérique du Sud pour Telefonica), au prix d'un endettement important.

J'avais valorisé France Telecom avec ces hypothèses :

Taux de croissance annuel dans les 5 prochaines années : 2,5%
Taux de croissance annuel par la suite : 1%
Taux d’actualisation : 10,5%

C'est sûr que si on met un taux de croissance à 0% ou négatif, cela change de tout. Mais comment savoir ?

Je reste optimiste au cours actuel et vais prendre pour exemple l'industrie du tabac. Cela fait des années qu'elle est attaquée de toute part et pourtant les cigaretiers affichent toujours une insolente santé grâce à des opérations capitalistiques bien menées, permises par leur revenus récurrents...

Mon avis (qui en vaut un autre !) est que pour diminuer la volatilité d'un portefeuille et améliorer son dividende %, un peu de télécoms ne fait pas de mal, a fortiori au cours actuel.
Commentaire
5) HuntR
09/08/2010
Pourquoi est-ce que l'EBITDA serait meilleurs que le résultat opérationnel ?

Voici l'avis (très contraire au tient) au sujet de l'EBITDA :

"We’ll never buy a company when the managers talk about EBITDA. There are more frauds talking about EBITDA. That term has never appeared in the annual reports of companies like Wal-Mart, General Electric, Microsoft. The fraudsters are trying to con you or they’re trying to con themselves. Interest and taxes are real expenses. Depreciation is the worst kind of expense: You buy an asset first and then pay a deduction, and you don’t get the tax benefit until you start making money. We have found that many of the crooks look like crooks. They are usually people that tell you things that are too good to be true. They have a smell about them."


http://www.ihelpyou.com/forums/showthread.php?t=3759

PS : il s'agit de l'avis de Warren Buffett.
Réponse de Philippe
Philippe
09/08/2010
Je ne vais pas lutter contre Warren Buffet. :-)

Je maintiens cependant que l'EV/EBITDA est utilisé par les profs (je l'ai vu dans plusieurs publications d'analystes) car c'est un des ratios les moins "manipulables".

On trouve aussi l'EV/EBIT, donc plus en phase avec ce que dit Warren Buffet ou même EV/FCF.
Réponse de Philippe
Philippe
11/08/2010
Dans cette dernière news sur une possible acquisition de France Telecom au Maroc :


"A environ 650 millions d'euros pour 40% du capital de Meditel, une éventuelle prise de participation de France Télécom ferait ressortir un ratio de l'ordre de 10 fois l'Ebitda.

Des opérations récentes dans le secteur et dans la région se sont faites à des ratios compris entre six et dix fois, soulignent des analystes.

"L'enjeu se situera au niveau du prix qu'acceptera de payer France Télécom. (L'opération) donnera en quelque sorte le 'la' de sa stratégie de fusion et acquisition future", juge un analyste de CM-CIC, dans une note.

Il estime qu'au-delà de 9 fois l'Ebitda, la création de valeur découlant d'une telle opération pourrait être remise en cause."


C'est une fois de plus l'Ebitda qui est cité.

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