EV/EBITDA : le meilleur ratio de valorisation bousier ?
Parmi la vingtaine d’ouvrages boursiers que j’ai lue, on nous “bassine” systématiquement avec le PER.
Sur les forums Boursorama, de nombreux intervenants investissent dans une société uniquement parce que le PER est faible et gare à vous si vous osez émettre quelques réserves !
Étrangement, dans une récente analyse de la société Rubis par Oddo MidCap, le terme PER n’apparaît même pas !
La vérité est-elle ailleurs ?
Les limites du Price Earning Ratio (PER)
Rappel sur le mode de calcul du PER
Je vous fait l’affront de vous le rappeler, le PER correspond au ratio capitalisation boursière/résultat net de l’exercice précédent.
Sur les sites financiers, on trouve parfois aussi les PER suffixé de l'année en cours, qui est calculé d’après le consensus des estimations du résultat net par les analystes pour l'exercice en cours.
Pour rappel, le résultat net, correspond au résultat d’exploitation + résultat financier + résultat exceptionnel - impôts sur les bénéfices (s'il y en a).
Le résultat net ne reflète pas forcément la santé de l’entreprise
Ce qui pose déjà un premier problème : le résultat net peut être influencé par des éléments non récurrents (financiers ou exceptionnels), en dehors du cycle naturel d’exploitation de l’entreprise.
Un cas courant est la vente du siège social ou de divers biens immobiliers. Ils sont généralement ensuite immédiatement reloués (on parle de sale and lease back) à l’acheteur. En attendant, cela permet de générer un résultat exceptionnel qui va “fausser” le résultat net.
D’autre part, le résultat net est influencé par des aspects purement comptables comme les dotations aux amortissements et aux provisions.
Dans les contextes difficiles, les dirigeants ont tendance à bien charger la barque et provisionnent à tout va, pour annoncer un résultat net d’exercice particulièrement mauvais, “en ligne” avec le contexte économique.
Sur l’exercice suivant, la société affiche ensuite un résultat net en forte croissance, grâce (évidemment, qu’est-ce que vous croyez !) aux choix stratégiques du dirigeant (mais aussi grâce à de belles reprises sur provisions tandis que le contexte économique s’améliore…).
Pour pallier à cela, Benjamin Graham suggère de calculer le PER avec le résultat net moyen des trois dernières années, mais cela “pénalise” les sociétés dont les résultats sont “fiables” et en croissance constante.
Le PER n’est pas calculable pas pour les sociétés en perte
Celui qui n’utilise que le PER pour évaluer les sociétés élimine du même coup toutes les sociétés en perte de son univers d’investissement, puisque avec un résultat net négatif, le PER est impossible à calculer.
Le PER ne tient pas compte de l’endettement
- | Société A | Société B |
---|---|---|
CA/action | 100 € | 200 € |
RN/action | 15 € | 30 € |
Dettes/action | 0 € | 400 € |
Cours | 150 € | 150 € |
PER | 10 | 5 |
Au regard du PER, la société B parait moins chère que A et va apparaître dans le haut des résultats des screeners ou des palmarès, avec son PER de 5.
Mais la société A n’est pas endettée, tandis que B a un endettement qui vaut deux années de chiffre d'affaires et donc autant dire qu’elle ne vaut quasi-rien !
Le PER ne tient pas compte de la trésorerie
- | Société A | Société B |
---|---|---|
CA/action | 100 € | 200 € |
RN/action | 15 € | 30 € |
Dettes/action | 0 € | 0 € |
Trésorerie/action | 20 € | 5 € |
Cours | 150 € | 300 € |
PER | 10 | 10 |
Cette fois-ci, les deux sociétés ont le même PER, mais pourtant A est moins chère que B, car en achetant A, vous “achetez” aussi 20 € de trésorerie / action contre seulement 5 € pour B.
Le “véritable” PER de A est donc plutôt de (150 - 20) / 15 = 8,7
; contre (300 - 5) / 30 = 9, 8
pour B.
EV/EBITDA et EV/CA
Axe d’amélioration au dénominateur du PER
Pour “améliorer” le PER, plutôt qu’utiliser le résultat net au dénominateur, on peut utiliser le chiffre d'affaires (ratio Price to Sales) ou le flux de trésorerie opérationnel (ratio Price to Cash Flow).
Le Price to Sales est intéressant car peu manipulable, mais il ne tient pas compte de la marge opérationnelle.
Le Price to Cash Flow est encore plus intéressant, car il se rapproche au plus près du cycle d’exploitation de la société, puisque le flux de trésorerie opérationnel (assez proche de l'EBITDA) est grossièrement un résultat d’exploitation qui ne tient pas compte des dotations aux amortissements et aux provisions. Il a donc peu de chance d'être pollué par des événements exceptionnels ou des éléments de nature strictement comptable.
Axe d’amélioration du numérateur du PER
En fait, il suffirait de retrancher à la capitalisation boursière, la trésorerie de l’entreprise, et d’y ajouter sa dette pour pallier aux deux problèmes du PER !
Évidemment, cela existe déjà et c’est appelé Enterprise Value ou Valeur d’Entreprise.
Les meilleurs ratios de valorisation
Deux ratios plus pertinents que le PER, sont donc :
- l’EV/Sales ou EV/Revenue ou Valeur d'Entreprise/Chiffre d'affaires ou VE/CA,
- l’EV/EBITDA ou VE/EBITDA.
D’ailleurs, les spécialistes du rachat d'entreprises avec effet de levier utiliseraient l’EV/EBITDA pour détecter leurs cibles potentielles, avec un EV/EBITDA inférieur à 6.
Les ratios VE/EBITDA et VE/CA sont disponibles sur nos screeners actions :
Ces deux ratios sont particulièrement utiles pour comparer la valorisation d'entreprises opérant dans le même secteur d'activité.